Quatre ans plus tard, chassé de la quasi-totalité de ces zones, le groupe ultraradical doit trouver "une nouvelle manière de faire, notamment pour recruter après de lourdes pertes", affirme à l'AFP un responsable des services de sécurité irakien sous le couvert de l'anonymat.
La principale mesure est une réorganisation administrative pour le groupe qui se rêvait en "Etat", soulignent les experts.
Finies les 35 "wilaya" (provinces, en arabe) qui quadrillaient le "califat" et au-delà. Après avoir perdu ses deux "capitales", Raqa en Syrie et Mossoul en Irak, l'EI n'évoque plus dans ses organes de propagande que six "wilaya".
Et pour les désigner, il est revenu à des définitions territoriales connues: l'Irak, la Syrie, l'Asie de l'Est, le Tadjikistan, le Sinaï égyptien et la Somalie.
Les "wilaya" de Mossoul, de Raqa ou encore de Kirkouk ont totalement disparu du discours du groupe d'Abou Bakr al-Baghdadi et ont été réduits à des "cantons" ("mantaqa").
Pourtant, en 2014 --avant même que son "calife" n'apparaisse ou que l'"Etat islamique" ne soit proclamé--, l'EI se targuait d'en avoir fini avec le tracé "impérialiste" de 1916 (accords dits Sykes-Picot) qui dessinait les frontières du Moyen-Orient.
Oublié le coup d'éclat de 2014, filmé et diffusé à grands renforts de propagande, voulant effacer la frontière entre la Syrie et l'Irak avec des bulldozers.
Aujourd'hui, les forces irakiennes se sont redéployées le long de ce tracé, où armes et jihadistes avaient longtemps circulé sans encombres.
Côté syrien, les troupes de Damas et celles kurdo-arabes appuyées par la coalition internationale anti-EI ont aussi repris de larges zones frontalières.
"Commandement réorganisé"
Alors que le mystère demeure sur les effectifs de l'EI, le nouveau découpage géographique du groupe "prouve qu'il est affaibli et a réorganisé son commandement", explique à l'AFP le responsable irakien.
Il a recentralisé ce commandement à l'échelle des pays et non des régions. "Ceci prouve la perte de confiance de la direction de l'EI envers ses commandants de wilaya en Irak, dont les prérogatives ont été réduites", ajoute la même source.
Régulièrement, les autorités irakiennes annoncent la capture ou la mort de responsables de l'EI ou de proches de Baghdadi, comme son fils, tué en juillet en Syrie par trois missiles téléguidés russes. Baghdadi lui-même a été donné pour mort à plusieurs reprises, alors que les États-Unis ont offert 25 millions de dollars pour sa capture.
Ce mois, dans son dernier enregistrement sonore --le quatrième depuis qu'il s'est proclamé "commandeur des croyants"--, Abou Bakr al-Baghdadi a multiplié "les consolations et les condoléances", souligne Hicham al-Hachémi, spécialiste des groupes islamistes radicaux.
Dans ce sermon de l'Aïd al-Adha, la fête musulmane du sacrifice, les appels à tenir bon et poursuivre le "jihad" cachent mal un "aveu de défaite", dit-il.
"Communication de crise"
Pour la première fois, Baghdadi en personne a appelé ses partisans en Occident à mener des attaques, en détaillant des modes opératoires, dans leurs pays. Une opération en Occident "en vaut mille chez nous", a-t-il dit.
Pour le responsable irakien, "après avoir perdu pied en Irak et en Syrie, la direction de l'EI se concentre désormais sur une vision mondiale" calquée sur celle d'Al-Qaïda avant lui.
Après avoir vu son rêve d'Etat détruit, l'EI veut en effet continuer de semer la terreur dans le monde par des coups d'éclat.
Dans son enregistrement de 55 minutes, Baghdadi en revient d'ailleurs à des appels déjà entendus à l'époque d'Al-Qaïda par exemple. Il conspue l'Amérique, évoque l'Iran chiite, fait appel aux sunnites d'Irak et dénonce les unités paramilitaires irakiennes du Hachd al-Chaabi, dominées par les chiites, note encore M. Hachémi.
"Les trois derniers discours de Baghdadi relevaient de la +communication de crise+ et sa dernière adresse tombe dans la même catégorie", dit à l'AFP Tore Hamming, spécialiste du jihadisme à l'European University Institute.
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