Dans un pays qui se veut le temple de la gastronomie, "McDo", comme les Français surnomment la chaîne américaine de fastfood, a souvent été dénoncé comme le symbole de la "malbouffe".
Le 12 août 1999, quelque 300 producteurs de lait de brebis, dont le célèbre militant José Bové, aujourd'hui eurodéputé, avaient "démonté" le McDonald's de Millau, dans le Sud-Ouest, en réponse à une sanction américaine contre le roquefort, "symbole d'une agriculture liée à l'environnement et à l'identité du terroir".
Mais aujourd'hui, dans les quartiers nord de Marseille, habitants et salariés se mobilisent pour sauver "leur" McDo, le deuxième employeur privé, dans cette zone au fort taux de chômage (environ 30%).
"Aussi mal payés soient-ils, aussi dures soient les conditions de travail chez McDo, toute (la vie des salariés) est structurée autour de cet emploi, toute la vie d'un quartier est structurée autour de ce restaurant", explique Me Ralph Blindauer, l'avocat des salariés qui ont récemment reçu le soutien du leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, allé sur place.
Les anniversaires des enfants, le stage étudiant, le premier emploi, les rendez-vous entre amis : le McDo apparaît comme le poumon du quartier à Saint-Barthélémy, où les rideaux de fer sont baissés sur la boulangerie, la boucherie et le salon de coiffure, tandis que le mini-centre commercial n'attend plus que d'être rasé.
"C'est un lieu de vie", explique Salim Grabsi, membre du syndicat des quartiers populaires de Marseille (SQPM). "Dans ces quartiers-là, on n'a plus rien. Lorsque vous êtes en famille avec vos enfants et que vous voulez vous asseoir, avoir un moment de détente tout ça, ce McDo joue ce rôle-là", en plus de jouer un "rôle social".
"Poche d'emplois"
"Lorsque les jeunes n'ont pas de stage, ils finissent ici. Lorsque des jeunes sont en décrochage scolaire, qu'ils ne veulent plus aller à l'école, pour éviter qu'ils ne tombent dans le trafic tout ça, pour leur remettre le pied à l'étrier, leur premier emploi c'est souvent McDonald's", rappelle-t-il.
Pour Nordine Aklil, 27 ans, le McDo a ainsi été une véritable bouée de sauvetage. "C'est un peu McDo qui m'a sorti de, excusez-moi le terme, de la merde. Je suis sorti de prison et c'est McDo qui m'a offert la réinsertion en fait", témoigne Nordine, équipier chez McDo depuis quatre ans. "Et depuis, je me suis réinséré, j'ai travaillé, j'ai bossé, j'ai évolué dans McDo, ça m'a permis aussi d'avoir une certaine stabilité dans ma vie et maintenant de vivre assez sereinement".
"Il faut qu'il continue à y avoir comme ça des poches d'emplois", renchérit Annick Villanueva, une éducatrice en pré-retraite. "Mes voisines avec leurs petits-enfants, elles les emmènent ici le mercredi", poursuit cette habitante de Saint-Barthélemy.
La justice doit examiner le 3 septembre un projet de transformation du McDo de Saint-Barthélémy en un restaurant asiatique halal, un projet "fictif", selon Me Blindauer, qui redoute ainsi la fermeture pure et simple du McDo, à terme.
"Notre lutte n'est pas de défendre McDo mais vraiment défendre les 77 employés de ce McDo (...) et surtout, ce que représente McDo pour les habitants et la population alentour de ce McDo à Saint-Barthélemy", précise Tony Rodriguez, le porte-parole de l'intersyndicale.
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