"Ces déclarations sont un très mauvais signal envoyé à la jeunesse", s'inquiète Joël Deumier, président de SOS Homophobie. "La religion et la médecine, en particulier la psychiatrie, sont les deux grandes ennemies historiques" des droits des personnes homosexuelles, rappelle-t-il.
De retour d'Irlande après une visite dominée par les abus de pédophilie dans le clergé, le pape François a semé le trouble en répondant dimanche à un journaliste qui lui demandait ce qu'il dirait à des parents constatant les orientations homosexuelles de leur enfant: "Quand cela se manifeste dès l'enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses", a-t-il dit.
Une sortie qui a suscité l'indignation de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bi, trans).
"L'homosexualité n'est pas une maladie, l'homophobie oui", souligne Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l'Inter-LGBT, qui rappelle les anciennes pratiques médicales de "guérison" de l'homosexualité comme "les lobotomies ou les électrochocs".
Si ces méthodes n'ont plus cours, des "thérapies de conversion" sont encore proposées, notamment aux États-Unis, où elles sont souvent délivrées par des groupes chrétiens conservateurs. Des théories "pseudo-scientifiques et dangereuses", dénonce Clémence Zamora-Cruz.
La France a retiré l'homosexualité de la liste des maladies mentales en 1981 mais il a fallu attendre 1990 pour que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fasse de même.
Diversion
Les déclarations du pape François, qui s'est bâti une image progressiste auprès des médias, peuvent interpeller alors qu'il a envoyé à plusieurs reprises, depuis le début de son pontificat, des signes d'ouverture à l'égard des homosexuels.
"Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ?", avait-il ainsi déclaré en 2013, des propos jugés inédits dans l'histoire du catholicisme.
"On voit là le double discours insidieux d'une institution qui a pour but de persécuter les homosexuels", a dénoncé sur Europe 1 Romain Burrel, le directeur de la rédaction du magazine gay Têtu.
Le pape François "souffle le chaud et le froid", écartelé entre sa "stratégie pastorale de l'accueil, du dialogue et de la bienveillance" et "une stratégie doctrinale dans laquelle il reste attaché au principe que l'homosexualité est un acte désordonné", analyse le sociologue Philippe Portier.
Une réflexion "très complexe" qui génère de "l'incompréhension", observe le chercheur, alors que les catholiques pratiquants sont "beaucoup plus tolérants vis-à-vis des homosexuels que l'institution", assure Joël Deumier de SOS Homophobie.
La plupart des militants LGBT interrogés par l'AFP voient dans ces propos un contre-feu alors que l'Église est actuellement secouée par de nouveaux scandales de pédophilie.
"J'aimerais que le pape François n'utilise pas les homosexuels pour qu'on cesse de parler des prêtres pédophiles", a ainsi commenté Catherine Michaud, présidente de GayLib, mouvement LGBT de centre droit.
Joël Deumier dénonce lui aussi "une stratégie de diversion" tandis que l'Association des familles homoparentales manie l'ironie, estimant que les prêtres reconnus coupables d'actes pédophiles "devraient être les premiers à bénéficier de soins psychiatriques".
Surtout, selon Clémence Zamora-Cruz, "les mots choquent car ils ciblent les enfants", alors que "le risque de suicide est plus élevé que la moyenne chez les jeunes LGBT".
"Les personnes homosexuelles ou bisexuelles apparaissent plus concernées que les autres par le risque de suicide", affirmait ainsi une enquête réalisée en 2014 par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes).
Selon les études, les personnes homosexuelles présentent deux à sept fois plus de risque de commettre une tentative de suicide que les hétérosexuels.
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