Au terme de deux journées de visite très focalisées sur les abus commis au sein de l'Eglise, le pape est arrivé en papamobile sous un ciel pluvieux dans l'immense parc Phoenix de Dublin. L'occasion pour ce pays, qui reste l'un des plus catholiques d'Europe, d'exprimer une ferveur populaire.
Dès sa première prise de parole devant les fidèles, François a créé la surprise en égrenant dans sa langue natale espagnole une litanie de pardons destinés aux "survivants d'abus de pouvoir, d'abus de conscience et d'abus sexuels" en Irlande.
Dressant une liste de tous "les crimes", en particulier ceux commis dans des "institutions dirigées par des religieux et des religieuses", le pape a notamment demandé pardon pour "les enfants qui furent éloignés de leur mères", parce qu'elles étaient tombées enceintes hors mariage.
Le souverain pontife, qui avait rencontré en fin de journée samedi huit victimes irlandaises d'abus, a aussi pointé du doigt "des membres de la hiérarchie de l'Eglise" qui ont "gardé le silence".
Contre-manifestation
Un demi-million de fidèles étaient attendus au parc Phoenix mais le nombre de participants semblait inférieur, peut-être à cause de la pluie. En 1979, lorsque le divorce, l'avortement et le mariage homosexuel étaient impensables dans le pays, Jean Paul II avait parlé devant 1,5 million de personnes.
Dans le centre-ville de Dublin, environ 5.000 victimes d'abus de l'Eglise et leurs sympathisants ont eux participé à une manifestation intitulée, "Debout pour la vérité".
Parmi les participants figuraient une femme déguisée en nonne, avec du faux sang sur les mains, et un homme distribuant des pancartes "L'église protège les pédérastes".
La visite papale "provoque beaucoup de souffrances", a déclaré à l'AFP William Gorry, une victime des abus du clergé.
Depuis 2002, plus de 14.500 personnes se sont déclarées victimes d'abus sexuels commis par des prêtres en Irlande, et la hiérarchie de l'Église irlandaise est accusée d'avoir couvert des centaines de prêtres.
L'ampleur de ces scandales explique en partie la perte d'influence de l'Eglise sur la société irlandaise ces dernières années.
Dimanche matin, François a "imploré le pardon" de Dieu "pour le scandale et la trahison ressentis par tant de personnes", lors d'une prise de parole au sanctuaire de Knock, site de piété mariale distant de 180 km de Dublin, où il a été acclamé par 45.000 personnes.
"Cette plaie ouverte nous défie d'être fermes et décidés dans la recherche de la vérité et de la justice", a dit le pape, qui, samedi à Dublin, avait évoqué sa "honte" et sa "souffrance" face à "l'échec des autorités ecclésiastiques" pour affronter de manière adéquate ces "crimes ignobles".
Avant François, Benoît XVI avait écrit en 2010 une lettre aux catholiques irlandais, reconnaissant la responsabilité de l'Eglise dans les abus.
Le pape en accusation
Officiellement consacrée à la Rencontre mondiale des familles, la visite du pape, qui s'achèvait dimanche, n'a de fait cessé d'être parasitée par le dossier explosif des abus du clergé.
Le pape François a lui-même été mis en cause dimanche par un ex-ambassadeur auprès du Vatican à Washington, l'archevêque Carlo Maria Vigano, qui l'accuse d'avoir annulé des sanctions contre le cardinal américain Theodore McCarrick, en faisant fi de signalements de son "comportement gravement immoral avec des séminaristes et des prêtres".
"La corruption a atteint le sommet de la hiérarchie de l'Eglise", affirme dans une lettre Mgr Vigano, en allant jusqu'à demander la démission du pape.
Cette lettre, confirmée par son auteur, a été publiée samedi dans plusieurs publications catholiques américaines de tendance traditionaliste ou ultra-conservatrice ainsi que dans un quotidien italien de droite.
L'ancien nonce apostolique aujourd'hui à la retraite y met aussi en cause nommément nombre de hauts prélats de la Curie romaine.
Le cardinal McCarrick, 88 ans, a été accusé fin juillet d'abus sexuels et interdit d'exercer son ministère, un scandale qui a ébranlé la hiérarchie de l'église catholique américaine. Le pape a aussi accepté sa démission de son poste de cardinal, un fait quasi-inédit dans l'histoire de l'Eglise.
L'homme a été accusé d'abus par un adolescent, des faits remontant à des décennies, mais qui n'étaient pas publiques.
"Le Vatican n'a aucun commentaire immédiat", a réagi une porte-parole du Saint-Siège à propos des accusations formulées contre le pape.
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