Mais en l'accueillant sans langue de bois dans son pays, le Premier ministre irlandais Leo Varadkar lui a demandé d'utiliser sa "position" et son "influence" pour rendre "justice" aux victimes d'abus commis par le clergé en Irlande et dans le monde entier.
"Nous devons à présent veiller à ce que les paroles soient suivies par des actes", a-t-il insisté, ajoutant sa voix à celles de plus en plus nombreuses de personnalités de l'Eglise et de victimes d'abus.
"Je vous demande d'écouter les victimes", a ajouté le Premier ministre, alors que le pape a promis de rencontrer des victimes irlandaises durant son court voyage de 36 heures.
Prière pour les victimes
Le 24e voyage à l'étranger du pape intervient à un moment particulièrement périlleux pour l'Eglise catholique, notamment ébranlée la semaine dernière par de sordides révélations en Pennsylvanie (USA) sur plus de 300 "prêtres prédateurs" ayant commis des abus sur mille enfants.
Après avoir écouté gravement M. Varadkar, le pape François a exprimé samedi sa "honte" et sa "souffrance" face à "l'échec des autorités ecclésiastiques– évêques, supérieurs religieux, prêtres et autres – pour affronter de manière adéquate ces crimes ignobles" dans le passé.
"Je ne peux que reconnaître le grave scandale causé en Irlande par les abus sur les mineurs de la part des membres de l'Église chargés de les protéger et de les éduquer", a commenté le pape, dans un discours un peu en retrait par rapport à d'autres prises de paroles sur le sujet.
Il n'a pas convaincu son ancienne conseillère sur les abus pédophiles du clergé, la victime irlandaise Marie Collins. "Décevant, rien de nouveau", a assené aux journalistes cette septuagénaire porte-voix des "survivants", elle-même victime à 13 ans d'abus sexuels d'un prêtre.
Dans l'après-midi, le pape a prié en silence avec l'archevêque de Dublin Diarmuid Martin devant un cierge dédié depuis 2011 aux victimes irlandaises d'abus sexuels, dans la plus grande cathédrale de la ville, St Mary's.
Depuis 2002, plus de 14.500 personnes se sont déclarées victimes d'abus sexuels commis par des prêtres en Irlande. La hiérarchie de l'Église irlandaise est accusée d'avoir couvert des centaines de prêtres.
Le pape a aussi fait samedi une halte improvisée dans un quartier défavorisé de Dublin, où se trouve une église avec les reliques du vénérable Matt Talbot, un ancien ouvrier alcoolique qui devint un populaire bienfaiteur des nécessiteux.
Trente-neuf ans après la dernière visite d'un souverain pontife, le pape François est arrivé samedi en Irlande afin de clôturer la Rencontre mondiale des familles.
Il souhaite profiter de sa visite pour encourager ce pays encore très catholique, mais de plus en plus sécularisé, à garder la foi même s'il "écoute la polyphonie du débat politico-social contemporain".
Signe que l'influence de l'Eglise recule spectaculairement en Irlande, le pays a légalisé en 2015 le mariage homosexuel, choisi un Premier ministre gay, M. Varadkar, en 2017, et libéralisé, en mai, l'avortement.
M. Varadkar n'a d'ailleurs pas ménagé samedi le pape argentin en lui indiquant que "les femmes doivent prendre leurs propres décisions" et que "les familles se présentent sous de nombreuses formes", y compris avec "des parents de même sexe ou des parents divorcés".
Le pape François, parfois dépeint comme un révolutionnaire en raison de son langage direct, défend l'idéal catholique de la famille traditionnelle et se dit horrifié par l'avortement.
Face à des couples dans la cathédrale Saint Mary's de Dublin, il a rendu hommage au sacrement du mariage, une union entre "un homme et une femme", "un papa et une maman" élevant ses enfants.
Il présidera samedi soir le Festival des familles, au stade Croke Park de Dublin, où sont attendues plus de 80.000 personnes, et célèbrera dimanche la messe de clôture de l'événement au parc Phoenix de Dublin. Un demi-million de fidèles devraient y participer.
L'énorme scandale de pédophilie dans l'Etat américain de Pennsylvanie a incité lundi le pape à diffuser une lettre sans précédent aux 1,3 milliard de catholiques de la planète. Il y reconnaît que l'Eglise n'a pas été à la hauteur et qu'elle a "négligé et abandonné les petits".
"La lettre du pape mentionne pour la première fois l'abus sexuel comme un crime", a salué auprès de l'AFP Marie Collins. "Mais elle ne donne aucune indication concrète sur ce que le pape souhaite réellement faire", ajoute-t-elle.
'Non au pape'
En marge de la visite du souverain pontife, plusieurs contre-manifestations sont planifiées. Des milliers d'internautes irlandais ont appelé sur Facebook à "dire non au pape" en boycottant la messe de Phoenix Park.
En parallèle, une marche se déroulera dans les rues de Dublin, jusqu'au "Jardin du souvenir". A Thuam, dans l'ouest du pays, une veillée aura lieu en mémoire des 796 bébés décédés, entre 1925 et 1961, dans l'ancien foyer catholique des sœurs du Bon Secours et qui avaient été enterrés dans une fosse commune.
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