"Pendant que (le pape) est en Irlande, où nous avons une telle histoire d'abus, et où tant de gens ont vu leur vie détruite, il est important que cette question soit abordée frontalement, et que nous entendions des paroles claires sur ce qu'il va faire", a-t-elle déclaré à l'AFP, en marge de la Rencontre mondiale des familles à Dublin que le souverain pontife doit clôturer ce week-end.
Depuis 2002, plus de 14.500 personnes se sont déclarées victimes d'abus sexuels commis par des prêtres en Irlande, et selon Mme Collins, nombre de catholiques en Irlande "attendent que cette question soit traitée comme il se doit".
Dans le cas contraire, "il y aura davantage de personnes qui abandonneront tout espoir, et s'éloigneront (de l'Eglise)", a-t-elle mis en garde.
L'année dernière, Marie Collins avait démissionné de la commission anti-pédophilie chargée de conseiller le pape, en raison de son inaction.
Cette semaine, elle a accueilli favorablement une lettre du pape François condamnant les "atrocités" commises en Pennsylvanie sur plus de 1.000 enfants par des centaines de prêtres pendant des décennies, révélées récemment.
"La lettre du pape mentionne pour la première fois l'abus sexuel comme un crime, une atrocité, et fait référence aux pratiques de dissimulation", a-t-elle souligné.
"Mais elle ne donne aucune indication concrète sur ce que le pape souhaite réellement faire pour que les responsables rendent des comptes", a-t-elle regretté. Cette "réticence à bien examiner les choses (...) trahit une peur (de voir) toute l'étendue du problème".
"Il y a cette idée erronée que si nous ne regardons pas (le problème), il disparaîtra", a-t-elle insisté.
"J'ai résisté"
Marie Collins venait de fêter son 13e anniversaire lorsqu'elle a été violée par un prêtre, selon un récit qu'elle avait fait lors d'un symposium du Vatican sur les abus en 2012.
Le prêtre - "un agresseur d'enfant chevronné", selon ses termes - avait commencé à lui rendre visite le soir à l'hôpital, à Dublin.
"Quand il s'est mis à pratiquer des attouchements, en prétendant au début que c'était par jeu, j'ai été choquée, et j'ai résisté en lui disant d'arrêter. Mais il ne s'est pas arrêté", avait-elle raconté.
"Tout en m'agressant, il répondait à ma résistance en me disant qu'il était +prêtre+ et qu'il ne +pouvait pas me faire de mal+".
"Il a pris des photos des parties les plus intimes de mon corps et m'a dit que j'étais stupide si je pensais que c'était mal. Il avait du pouvoir sur moi. Je ne savais pas comment en parler à d'autres personnes. J'ai juste prié pour qu'il ne recommence pas, mais il l'a fait".
"Ces doigts qui abusaient de mon corps la veille étaient le lendemain matin à tenir et m'offrir l'hostie sacrée. Ces mains qui tenaient l'appareil photo pour photographier mon corps exposé, à la lumière du jour, tenaient un livre de prières quand il est venu entendre ma confession."
De victime à militante
Souffrant de problèmes psychologiques causés par les agressions sexuelles, Marie Collins a suivi pendant des années un traitement médical. Ce n'est qu'à l'âge de 47 ans qu'elle s'était finalement décidée à en parler à un médecin, qui l'avait persuadée de prendre contact avec l'Eglise.
Elle avait alors rencontré le curé de sa paroisse mais celui-ci, a-t-elle affirmé, avait refusé de l'écouter, lui faisant porter le chapeau.
"Il a dit qu'il ne voyait pas la nécessité de dénoncer (l'auteur des agressions). Il m'a dit que c'était probablement ma faute. Cela m'a brisée", a-t-elle dit.
Son agresseur a finalement été traduit en justice, condamné et emprisonné, Marie Collins devenant, elle, une figure de proue de la lutte contre les abus sexuels en Irlande.
Seul le pape peut mettre fin à la "résistance" du Vatican à régler le problème, croit-elle alors qu'aujourd'hui encore, "chaque jour, des enfants sont maltraités".
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