Elle a quitté Maracay, ville de l'état d'Aragua, dans le centre du Venezuela, il y a 20 jours, accompagnée de deux cousins. Son premier enfant, Jhoangel, âgé de deux ans, est resté avec son mari et ses parents.
Cette jeune femme de 21 ans, enceinte de deux mois, n'en pouvait plus que dans son pays natal, "on ne trouve rien": ni nourriture, ni médicaments, et a décidé de tenter de reconstruire une vie ailleurs.
"Nous étions potelés et maintenant nous sommes maigres", dit-elle à l'AFP à l'entrée d'Ipiales, ville de Colombie frontalière de l'Equateur.
Malgré sa grossesse, elle a perdu 15 kg en moins de trois mois. Son jean usé est désormais trop lâche et sa peau dorée de caribéenne a pâli dans le froid des Andes colombiennes.
Son état ne l'a pas découragée de se lancer sur les routes pour gagner Quito, capitale de l'Equateur, à 2.400 km de Maracay. Et les aléas de l'exode n'ont pas entamé sa coquetterie: à l'arrière d'un camion, elle se farde les lèvres d'un rouge rosé et lisse ses sourcils couleur café.
"Il faut prendre des risques car rester au Venezuela c'est mourir", lance-t-elle en qualifiant de "pervers" le gouvernement de Nicolas Maduro.
Son mari Orlando Rafael, un maçon dont les revenus ne suffisent plus à maintenir la famille, est resté au pays pour prendre soin aussi de sa mère diabétique.
Une famille d'anges
Emue, elle se souvient avoir dit à son petit garçon qu'elle partait "travailler et reviendrait le soir (...) La séparation a été rude".
Avec seulement six millions de bolivars (environ 1,7 dollar au marché noir) en poche, elle a pu payer son transport jusqu'à Cucuta, principal point d'entrée des réfugiés vénézuéliens en Colombie.
Ce pays, qui émerge lentement d'un conflit armé de plus d'un demi-siècle, a reçu plus d'un million de personnes fuyant le Venezuela ces 16 derniers mois. Les migrants le traversent aussi vers l'Equateur, le Pérou, puis le Chili ou l'Argentine.
Sans un sou à Cucuta, elle a entamé sa longue marche, suppliant transporteurs et automobilistes de l'emmener. La solidarité colombienne l'a surprise: plusieurs personnes l'ont embarquée avec ses cousins pour un bout de chemin et les ont même alimentés.
"J'ai plus mangé qu'au Venezuela!" dit-elle en se réjouissant avec un sourire timide d'avoir grossi de près de cinq kilos ces deux dernières semaines. Si son bébé est une fille, elle l'appellera Jhoangela. "Ainsi, mon nom et ceux de mes enfants se termineront par +angel+ (ange). Une famille d'anges!"
Mais les difficiles conditions de l'exode commencent à l'affecter: le froid mordant des nuits sur les routes, les nausées et vomissements dus à sa grossesse, l'absence de son fils dont elle écoute la voix de temps en temps au téléphone. La volonté de l'Equateur de restreindre les conditions d'entrée sur son territoire a accru son stress.
Coup de chance
Quito entendait exiger aux migrants vénézuéliens arrivant par milliers chaque jour au pont de Rumichaca --avant de suspendre vendredi cette mesure--, de se munir d'un passeport, un document difficile à obtenir du fait de la pénurie de papier et des tracasseries bureaucratiques dans leur pays pétrolier en plein marasme.
Quoi qu'il arrive, Mariangela avait de la chance: elle pratique un art martial similaire au karaté et son profil de sportive de niveau international lui permet depuis onze ans d'avoir un passeport. Il n'en va pas de même pour ses cousins qui n'ont obtenu qu'une autorisation temporaire de séjour.
Avec son précieux sésame, elle espère trouver du travail en Equateur, dont l'économie est dollarisée, et ainsi envoyer de l'argent à sa famille. Outre le fait de pouvoir acheter de la nourriture et des couches pour le bébé à naître.
En passant la frontière jeudi, elle a embrassé son passeport. Mais sa joie a été brève car elle a commencé à saigner. "Il se peut que ce ne soit rien, ou peut-être si", redoute-t-elle alors que la nuit glaciale commence à tomber.
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