"Je vous demande beaucoup d'indulgence", avait-elle demandé lors de sa nomination dans le gouvernement d'Édouard Philippe, en mai 2017. Elle n'en a guère bénéficié.
Ministre issue de la société civile, Mme Nyssen affiche un bilan mitigé. En juillet, elle s'est vu retirer, au profit de Matignon, la régulation économique du secteur de l'édition et la tutelle du Centre national du livre (CNL), afin d'éviter tout conflit d'intérêts avec ses anciennes fonctions de présidente du directoire d'Actes Sud.
Heureuse éditrice de quatre Prix Goncourt (Laurent Gaudé, Jérôme Ferrari, Mathias Énard, Éric Vuillard) et de trois prix Nobel de littérature (Naguib Mahfouz, Imre Kertész et Svetlana Alexievitch), elle avait pourtant mis fin dès sa nomination au gouvernement à toutes ses fonctions dans la maison d'édition fondée par son père.
Régulièrement, la presse a relevé ses difficultés à s'imposer au sein du gouvernement. Ayant fait du développement de l'éducation artistique et culturelle dans les écoles son cheval de bataille, elle s'est fait supplanter par son collègue de l'Éducation, Jean-Michel Blanquer.
Désireuse d'ouvrir davantage les bibliothèques, elle s'est fait voler la vedette par le président Emmanuel Macron, qui a tenu à présenter lui-même le plan d'extension des horaires des bibliothèques, mis au point par Erik Orsenna.
Sur la réforme de l'audiovisuel public, la ministre, qui soutient "être à la manœuvre", doit composer avec les conseillers culture de l'Élysée (Claudia Ferrazzi) et de Matignon (Olivier Courson).
La décision du président Macron de charger l'animateur Stéphane Bern d'une mission sur le patrimoine contraint aussi la ministre à une "cohabitation", depuis septembre 2017, qui donne parfois lieu à des tensions.
Dans une tribune publiée par Le Monde début août, le comédien Robin Renucci et huit représentants d'associations culturelles estimaient que "la politique présidentielle affaiblit délibérément le ministère de la Culture" en "externalisant certaines de ses missions, en réduisant les effectifs du cabinet de sa ministre, tout en procédant, en parallèle, depuis l'Élysée, à la nomination discrétionnaire de chargés de missions, qui pilotent en coulisses la réforme de son administration et repensent sa politique".
Contestée par les auteurs
Les révélations du Canard enchaîné sur l'irrégularité de travaux effectués au siège d'Actes Sud, dans le centre classé d'Arles, puis sur l'agrandissement sans autorisation de ses locaux parisiens, fragilisent encore Françoise Nyssen.
La plus ancienne association de défense du patrimoine de France, Sites et Monuments (SPPEF), va déposer plainte contre la ministre, en l'accusant de s'être "affranchie des règles du droit du patrimoine et de l'urbanisme".
Mais elle est aussi contestée au sein du monde de l'édition.
"L'histoire retiendra que c'est une ministre éditrice qui a massacré les écrivains", a affirmé en juin l'écrivain et auteur de bandes dessinées Joann Sfar, en dénonçant la réforme en cours du régime social des auteurs.
L'ex-éditrice, Belge naturalisée française, a été blessée par ces remarques. "Je n'ai pas arrêté de combattre pour les auteurs. Les artistes sont des gens exceptionnels et fragilisés, qui n'ont aucune sécurité. J'ai compris l'angoisse qui avait été générée. Ils n'ont pas eu assez vite de réponses à leurs interrogations", a-t-elle affirmé au magazine Gala mercredi.
Silhouette longiligne, cultivant l'élégance, cette adepte du yoga, qu'elle pratique chaque matin, veut rester sereine dans la tempête.
"Je me tiendrai évidemment à la disposition du parquet, si je peux être d'un quelconque concours pour le bon déroulement de l'enquête", a-t-elle assuré jeudi à l'AFP, ajoutant : "Je ne doute pas qu'Actes Sud aura à cœur de faire toute la lumière dans le cadre de cette enquête".
Désormais dirigé par son mari, Jean-Paul Capitani, Actes Sud est l'un des principaux éditeurs indépendants en littérature générale.
Selon le magazine professionnel Livres Hebdo, Actes Sud est le numéro 10 de l'édition en France avec un chiffre d'affaires de plus de 80 millions d'euros en 2017. Le groupe (qui contrôle notamment Payot & Rivages, Le Rouergue, Babel, Gaïa, Inculte...) emploie plus de 300 personnes.
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