Selon le ministère de l'Agriculture, la production de vin en France devrait progresser de 25% par rapport à l'an passé, à 46,1 millions d'hectolitres. Les professionnels, un peu plus prudents, fixent à 21% seulement la hausse prévue, à 44,5 millions d'hectolitres.
Ces volumes signent un retour à la normale de la production française après le plancher historique de 36,8 millions de litres atteint en 2017, "le plus bas niveau de l'après-guerre", selon Jérôme Despey, président du conseil Vins de FranceAgriMer, l'organisme public chargé du suivi des marchés agricoles.
La différence entre les deux prévisions vient de données un peu plus récentes chez les professionnels, qui bénéficient de remontées de terrain quotidiennes. Mais la récolte peut s'améliorer en volume "s'il pleut dans les jours à venir", a jugé M. Despey.
L'écart d'estimation vient aussi d'une analyse un peu plus pessimiste chez les professionnels de "l'effet mildiou", une moisissure due aux fortes pluies du printemps qui "a attaqué entre avril et juillet" dans le Bordelais, le sud-ouest et sur le bassin méditerranéen, et entraîné des pertes de récolte.
Ainsi dans les Charentes, alors que le ministère de l'Agriculture attend 8,7 millions d'hectolitres, les professionnels n'en prévoient que 8,2 millions.
Idem, dans le Bordelais, où 8.000 hectares ont été grêlés et où l'impact du mildiou est particulièrement prégnant: les professionnels attendent 5 millions d'hectolitres (+35% par rapport à l'an dernier), contre 5,7 millions pour Agreste, l'organisme de statistiques du ministère.
Selon les chiffres du ministère, Languedoc-Roussillon, Corse et Sud-Est seraient les seuls bassins où la production sera en baisse par rapport à la moyenne des cinq années précédentes.
En Champagne, épargnée par le mildiou comme la Bourgogne et l'Alsace, de nouveaux records devraient en revanche être touchés cette année, grâce à l'exceptionnelle chaleur estivale, nocive pour les éleveurs mais très favorable à la vigne: 3,5 millions d'hectolitres sont attendus par la profession, contre 2,2 millions l'an passé, soit un bond de 56% sur 2017 et 39% par rapport aux cinq dernières années.
La canicule qui a touché la France durant l'été, a ralenti la progression du mildiou et entraîné des vendanges particulièrement précoces dans tous ces vignobles du nord-est, Bourgogne, Beaujolais, Alsace et Champagne.
vendanges 30 jours plus tôt
"Les vendanges en Champagne et Alsace ont quasiment commencé avant celles du Languedoc cette année, c'est du jamais vu", a souligné M. Despey.
Viticulteur lui-même en Languedoc-Roussillon, il s'est inquiété de l'impact du réchauffement climatique, avec la multiplication d'aléas météorologiques et des "vendanges de plus en plus précoces" en France, qui limitent les volumes de production.
"En 30 ans, on a gagné 30 jours de précocité pour le démarrage des vendanges à l'échelle nationale", a-t-il souligné.
Autre source d'inquiétude pour les viticulteurs, également liée au réchauffement: le besoin d'irrigation, qui se fait sentir durant la période sèche alors qu'elle est majoritairement interdite dans la plupart des appellations d'origine protégée (AOP), soit plus de 80% du vignoble français.
Ce dernier se trouve coincé entre les cahiers des charges fixés par l'Institut national des appellations (INAO) et basés sur le respect d'un écosystème viticole, d'un "terroir", et l'évolution du climat.
"On sait que de grosses chaleurs peuvent bloquer la maturité du raisin", a rappelé M. Despey, et "on sait que dans certains endroits, si on n'arrive pas à apporter de l'eau par un système de retenue collinaire (un bassin de rétention d'eau de pluie NDLR), comme au Pic Saint-Loup par exemple, cela pourrait vouloir dire que la viticulture y sera sacrifiée car les rendements vont devenir beaucoup trop faibles et aléatoires pour être rentables", a-t-il ajouté.
Alors que le gouvernement a convoqué des Assises de l'eau, M. Despey a estimé qu'il fallait "sortir de la doctrine qui interdit aux AOP d'être irriguées" avec des systèmes de goutte-à-goutte économes, mais efficaces.
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