Asia Argento, l'une des premières femmes à avoir accusé Harvey Weinstein de viol, est maintenant elle-même soupçonnée d'avoir abusé sexuellement en 2013 d'un acteur et musicien de 20 ans son cadet, Jimmy Bennett, alors qu'il avait 17 ans. Puis d'avoir tenté d'étouffer l'affaire en lui versant quelque 380.000 dollars.
Après deux jours de silence, l'actrice, désormais menacée d'être renvoyée de la version italienne de l'émission de télévision X Factor, a nié mardi ces accusations sorties dimanche dans le New York Times, sur la foi d'une menace de plainte judiciaire fournie par une source anonyme.
Argento a affirmé mardi dans un communiqué n'avoir "jamais eu de relation sexuelle avec Bennett", reconnaissant cependant lui avoir versé de l'argent, mais uniquement pour l'aider alors qu'il était en difficulté financière.
Malgré ces dénégations, l'affaire a jeté un froid sur le mouvement #MeToo, déjà critiqué ces derniers mois pour avoir fait chuter de leur piédestal des dizaines d'hommes de pouvoir, sur la foi d'accusations la plupart du temps non vérifiées par la justice.
"Pas de victime modèle"
Tarana Burke, fondatrice du mouvement que le magazine Time a désigné l'an dernier comme "Personnalité de l'année", a senti le danger.
"Les gens vont essayer d'utiliser ces histoires pour discréditer le mouvement --ne les laissez pas faire", a-t-elle tweeté. "Il n'y a pas de victime modèle. Nous sommes des humains imparfaits et nous devons tous répondre de notre comportement individuel", a-t-elle ajouté.
L'actrice Rosanna Arquette, autre accusatrice de Weinstein de la première heure, a elle aussi appelé à la compréhension pour Argento, semblant estimer que l'Italienne pourrait être à la fois victime et agresseuse.
"Je connais beaucoup, beaucoup de victimes de viol et de traumatisme qui ont un comportement sexuel erratique. Les stigmates qu'ils portent sont profonds", a-t-elle tweeté.
Ces précautions paraissent d'autant plus justifiées qu'Asia Argento est un personnage polémique, à l'histoire personnelle complexe.
Elle a de plus été récemment secouée --"dévastée", selon ses propres termes-- par le suicide en juin du gastronome et animateur télé Anthony Bourdain, qui fut son compagnon et appui dans son combat contre Weinstein.
"La seule conclusion raisonnable à ce stade est qu'il est possible que ces deux choses horribles soient vraies simultanément", a commenté Monica Hesse, dans un éditorial du Washington Post.
Cette experte en questions de genre a souligné la complexité des histoires d'abus sexuels, où il n'y a pas d'"étiquette simple" comme "victime", "agresseur", "innocent", "monstre".
"Punissez Argento, si le système judiciaire le demande. Posez des questions difficiles sur la façon de penser aux victimes qui sont aussi des agresseurs", a-t-elle fait valoir. "Mais ne touchez pas à la complexité de cette histoire car elle n'est pas une mauvaise chose (...) C'est la seule façon de reconnaître qu'il n'y a pas d'étiquettes toutes propres dans ces histoires, juste des personnes brisées."
- Bonne nouvelle pour Weinstein?
S'il est trop tôt pour savoir si le mouvement #MeToo sortira indemne de cette histoire, certains essaient dès maintenant de tirer profit des interrogations qu'elle a suscités.
A commencer par l'avocat du producteur déchu Harvey Weinstein, Ben Brafman, qui a affirmé dès lundi qu'elle devrait "démontrer à tous que les accusations contre M. Weinstein ont été mal vérifiées".
A en croire ce ténor du barreau new-yorkais, cette histoire pourrait miner le dossier de l'accusation contre le producteur, inculpé à Manhattan pour viol, acte sexuel forcé et fellation forcée sur trois femmes différentes. Weinstein risque la prison à perpétuité.
Mais pour Bennett Gershman, ex-procureur et professeur de droit à Pace University, Brafman fait de l'intox.
L'affaire Argento peut peut-être "jeter une ombre sur le mouvement #MeToo (...) Elle est intéressante, passionnante, mais elle n'a rien à voir avec l'affaire Weinstein", car Argento n'est à l'origine d'aucun des chefs d'accusations retenus contre l'ex-producteur, a-t-il déclaré à l'AFP.
Ces révélations pourraient selon lui avoir des conséquences si certaines des accusatrices à l'origine de l'inculpation avaient des choses à se reprocher comme Argento.
Mais "je pense que les procureurs ont fait leur boulot et qu"'ils ont vraiment vérifié en profondeur le passé des accusatrices", a souligné M. Gershman.
"Ils avaient mal travaillé sur l'affaire Strauss-Kahn", l'affaire du Sofitel de New York en 2011 dans laquelle le procureur avait abandonné les poursuites faute de crédibilité de l'accusatrice de l'ex-directeur du FMI, a-t-il souligné. "Je pense qu'ils ont été super-précautionneux cette fois-ci".
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