Deux juridictions différentes pour deux affaires distinctes, mais une même ombre planait au-dessus des tribunaux d'Alexandria et de New York: celle du milliardaire républicain, dont le mandat à la Maison Blanche est empoisonné par les affaires judiciaires qui impliquent plusieurs de ses proches et menacent de l'atteindre directement.
A New York, devant un juge fédéral de Manhattan et dans une salle d'audience bondée, Michael Cohen, son ex-avocat personnel, a plaidé coupable de huit chefs d'accusation, pour fraude fiscale et bancaire et pour violation des lois sur le financement des campagnes électorales.
Surtout, le juriste, visiblement abattu, la voix parfois mal assurée, a reconnu avoir versé 130.000 et 150.000 dollars à deux femmes affirmant avoir eu une liaison avec Donald Trump en échange de leur silence, et ce "à la demande du candidat". Objectif: éviter l'ébruitement d'informations "qui auraient porté préjudice au candidat".
Cet aveu est une réelle bombe pour celui qui a finalement remporté la présidentielle de 2016, car il sous-entend qu'il pourrait avoir lui-même commis un délit. Si les versements à l'actrice porno Stormy Daniels et à Karen McDougal, une ex-playmate du magazine Playboy, qui affirment toutes deux avoir eu une liaison avec Donald Trump au milieu des années 2000, étaient connus, le locataire de la Maison Blanche a jusqu'ici nié tout acte contraire à la loi dans ces affaires.
Le coup est d'autant plus spectaculaire qu'il vient d'un ancien fidèle du président, gardien d'une partie de ses secrets, qui a travaillé pendant plus de dix ans pour le magnat de l'immobilier new-yorkais. Parfois surnommé le "pitbull" de Donald Trump, celui qui s'était dit un temps prêt "à prendre une balle" pour son puissant client a finalement décidé de le lâcher.
"Chasse aux sorcières"
Michael Cohen s'est résolu à "dire la vérité au sujet de Donald Trump", et a donc "témoigné sous serment" que le président américain "lui avait demandé de commettre un crime", a expliqué dans un communiqué son avocat Lanny Davis. "Si ces versements constituent un crime pour Michael Cohen, pourquoi ne constitueraient-ils pas un crime pour Donald Trump?", a-t-il demandé.
Les chefs d'inculpation retenus contre Michael Cohen, bientôt 52 ans, sont passibles de peines cumulées pouvant atteindre 65 ans de prison. Sa peine, probablement allégée après son plaider coupable, sera prononcée le 12 décembre.
"Ce sont des accusations très graves, qui reflètent un mode de fonctionnement fait de mensonges et de malhonnêteté, sur une longue période", a déclaré le procureur fédéral de Manhattan Robert Khuzami à la sortie du tribunal.
Quasiment au même moment, dans un parallélisme judiciaire saisissant, le tribunal d'Alexandria, près de Washington, a reconnu Paul Manafort, un ancien directeur de campagne de Donald Trump, coupable de fraude bancaire et fiscale. Le jury n'a prononcé qu'un verdict partiel, ne parvenant pas à s'accorder sur dix des 18 chefs d'accusation pesant contre l'ancien sulfureux lobbyiste.
Mais cette décision est symbolique, car il s'agissait du premier procès émanant de l'enquête russe, cette tentaculaire investigation conduite par le procureur spécial Robert Mueller sur l'ingérence de la Russie dans la présidentielle de 2016 et sur des soupçons de collusion entre l'équipe de campagne de Donald Trump et le Kremlin de Vladimir Poutine.
"Je me sens très triste", a réagi le président américain en marge d'un déplacement en Virginie occidentale, au sujet de Paul Manafort, un "homme bien". Il a revanche soigneusement éludé toutes les questions sur Michael Cohen.
"Rien à voir"
Donald Trump a tenu a rappeler que cette décision judiciaire n'avait en soi "rien à voir" avec une éventuelle collusion, qu'il nie farouchement depuis des mois, dénonçant une "chasse aux sorcières".
Paul Manafort, 69 ans, resté silencieux à l'énoncé du verdict, "est déçu" et "évalue toutes ses options", a déclaré son avocat Kevin Downing.
Il encourt une peine maximale de 80 années de prison. Mais le juge, s'il suit les directives fédérales, "pourrait opter pour une peine entre sept et près de neuf ans", a expliqué à l'AFP un ex-procureur fédéral, Jacob Frenkel. La date du prononcé reste à fixer.
Après deux semaines de débats très suivis aux Etats-Unis, l'issue de l'audience représente néanmoins une victoire, bien qu'incomplète, pour le procureur spécial Robert Mueller, et affaiblit là aussi la position du président.
D'autant que l'enquête russe se poursuit, malgré les appels incessants de la Maison Blanche qui souhaite y voir mettre un terme.
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