L'actrice italienne, une des accusatrices d'Harvey Weinstein, est soupçonnée d'avoir abusé sexuellement en 2013 de Jimmy Bennett, un acteur et musicien de rock américain âgé de 17 ans à l'époque, et d'avoir acheté son silence, ce qu'elle a nié fermement mardi.
L'information, publiée dimanche dans le New York Times, citant des documents envoyés par une source non identifiée, a immédiatement suscité en France des réactions critiques dans les médias et sur les réseaux sociaux, se répercutant sur l'ensemble du mouvement #Metoo.
"L'arroseuse arrosée", a par exemple tweeté Franz-Olivier Giesbert. "On ne se méfie jamais assez des marchands de vertu, des donneurs et des donneuses de leçons. Ce sont les pires ennemis de leur cause."
"Comment peut-on se présenter en justicière quand on se sait coupable ?", s'est demandé sur Twitter Françoise Laborde, journaliste et fondatrice d'une association pour les femmes dans les médias, estimant que cela allait "affaiblir la parole des toutes les autres victimes".
"Prudence", ont rétorqué mardi des porte-parole de mouvements féministes interrogées par l'AFP, critiquant "l'empressement" avec lequel certains se livrent à des tentatives de division.
"Cela donne surtout du grain à moudre à tous ceux qui ont critiqué, ont fermé les yeux face à #Metoo", estime Raphaëlle Rémy-Leleu, d'Osez le féminisme.
"Victimes exemplaires"
En apprenant les accusations visant Asia Argento, "j'ai été surprise et déçue", poursuit la militante, qui se dit soucieuse "de croire les victimes, toutes les victimes". "Mais je trouve délirant qu'on pense que cela remet en question le mouvement #Metoo".
A l'inverse, cela "conforte bien l'idée que les agressions sexuelles sont liées à des questions de pouvoir et de domination, qui n'épargnent personne, aucun milieu, et qu'il faut continuer à en parler", dit-elle.
Pour Alice Coffin, du groupe activiste féministe La Barbe, l'article a déclenché "une frénésie pour discréditer #Metoo" et une "haine à l'encontre de ce mouvement", "bien plus importantes en France qu'aux Etats-Unis".
"#Metoo, ce n'est pas seulement une libération de la parole, c'est devenu un combat. Un combat pour défendre la parole des victimes et faire en sorte que les agresseurs ne restent pas impunis", dit-elle.
"L'empressement et même la joie méchante avec laquelle certains ont applaudi les informations visant Asia Argento montre que cela n'est toujours pas compris", analyse-t-elle, y voyant par ailleurs des "tentatives classiques de division et de déstabilisation".
Les faits reprochés "sont graves", mais ils "n'enlèvent en rien son statut de victime" à Asia Argento, plaide-t-elle.
Selon elle, si certains se réjouissent de voir l'actrice dans la tourmente ce n'est pas seulement pour son engagement dans #Metoo, c'est aussi pour son discours à Cannes, "qui a montré chez elle une absence totale de peur".
En clôture du dernier festival, l'actrice avait prononcé un discours incendiaire, accusant Harvey Weinstein de l'avoir violée en 1997 "ici à Cannes".
"Et parmi vous, dans le public il y a ceux que l'on devrait pointer du doigt à cause de leur comportement envers les femmes, un comportement indigne de cette industrie, de n'importe quelle industrie. Vous savez qui vous êtes. Plus important encore, nous, nous savons qui vous êtes", avait-elle ajouté.
"Depuis quand les victimes doivent être exemplaires ?", a réagi sur Twitter Sandra Muller, la créatrice du hashtag #Balancetonporc, équivalent français de #Metoo.
Interrogée par le Parisien, la journaliste française basée aux Etats-Unis dénonce même un "système Weinstein qui ferait tout pour étouffer les scandales". "Ils vont essayer de démonter le mouvement au fur et à mesure, mais ça ne marchera pas!", espère-t-elle.
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