Une cérémonie d'hommage à plus de 400 victimes de l'intervention et de l'occupation soviétiques organisée à Prague devant le bâtiment de la Radio a été émaillée de vives protestations contre le cabinet de l'homme d'affaire milliardaire, l'ex-communiste Andrej Babis.
Composé du mouvement populiste ANO de M. Babis et des sociaux-démocrates CSSD, ce gouvernement n'a remporté le vote de confiance que grâce au soutien du parti communiste KSCM nostalgique de l'ancien régime. Il s'agit d'une première depuis la chute du rideau de fer en 1989.
"Qui gouverne avec les communistes, déshonore les victimes de l'occupation de 1968!", pouvait-on lire sur une pancarte brandie par un protestataire.
Des cris "Honte!" et des sifflements assourdissants des centaines de manifestants ont accompagné le discours de M. Babis, entouré de sa garde rapprochée.
Une quinzaine de Tchèques avaient trouvé la mort devant le bâtiment de la Radio alors qu'ils tentaient d'empêcher à mains nues la prise de l'immeuble par les envahisseurs.
Précurseur de la "perestroïka"
Précurseur de la "perestroïka" gorbatchevienne, le "Printemps de Prague" incarné par Alexander Dubcek s'est traduit notamment par une réforme politique et économique, la levée de la censure et une libéralisation des activités culturelles.
Dans la nuit du 20 au 21 août 1968, une trentaine de divisions soviétiques, soutenues par des unités bulgares, hongroises, polonaises et est-allemandes, ont mis brutalement fin à ce rêve éphémère.
"En marquant ce jour, nous commémorons les tragiques pertes de vies humaines et nous rendons hommage au courage et à l'héroïsme de ceux, parmi lesquels beaucoup d'étudiants, qui ont défié les chars et les armes", a écrit dans son message le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
"Leur héritage relève de notre responsabilité et nous ne devons jamais oublier leur tentative de défendre les libertés et droits de l'Homme les plus élémentaires", a-t-il souligné.
"L'invasion soviétique en Tchécoslovaquie a écrasé le Printemps de Prague. Mais ce désir de liberté et de démocratie a survécu et constitue l'essentiel de ce qui unit l'Europe aujourd'hui", a de son côté tweeté le président du conseil européen Donald Tusk.
En fin de matinée, les commémorations ont commencé par la lecture des noms des victimes sur la place Venceslas à Prague. Elles devaient se poursuivre pendant toute la journée par des concerts et des discours, y compris à Liberec (nord-ouest) où les envahisseurs ont tué neuf personnes le 21 août 1968.
Ere de Brejnev
Sévèrement condamnée par la presque totalité des Tchèques et des Slovaques, l'intervention militaire soviétique de 1968 continue cependant à être vue de manière majoritairement favorable en Russie.
Selon un récent sondage du centre d'analyses indépendant russe Levada, l'entrée des forces soviétiques est perçue majoritairement (40%) comme une mesure défensive et indispensable.
Et la proportion des Russes qui désapprouvent l'action de l'URSS en août 1968 a baissé de 29% en 2013 à 19% seulement en 2018, selon cette enquête.
"Les résultats du sondage démontrent que la Russie retourne à une propagande dans l'esprit de l'ère de (l'ancien dirigeant communiste soviétique Léonide) Brejnev", a estimé le directeur du centre Levada, Lev Goudkov, cité mardi par la presse tchèque.
Mutisme du président pro-russe
En Slovaquie, qui s'est séparée de la République tchèque en 1993, l'événement le plus marquant est l'inauguration à Kosice d'un monument au journaliste d'investigation Jan Kuciak, assassiné le 21 février dernier avec sa fiancée.
"Notre principal devoir est de défendre la liberté et notre capacité de déterminer notre propre avenir sans redouter que nos décisions seront réprimées par une force brutale", a tweeté mardi le président slovaque, Andrej Kiska.
En revanche, le chef de l'Etat tchèque Milos Zeman, à qui ses détracteurs reprochent souvent une politique pro-russe, a décidé de garder le silence.
L'absence de M. Zeman, ex-communiste tout comme M. Babis, lors des cérémonies de commémoration a été sévèrement critiquée par les partis d'opposition de droite. Selon son porte-parole Jiri Ovcacek, le président avait déjà fait "preuve de son courage en s'opposant publiquement à l'occupation en 1968".
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