Entre inquiétude et perplexité, la plupart des commerces sont restés fermés durant le week-end à Caracas et dans d'autres villes. Ces derniers jours, les Vénézuéliens ont été pris d'une frénésie d'achats et fait de longues files d'attente dans les stations essence.
Le chef d'Etat socialiste assure que les nouveaux billets, dont la plus grosse coupure sera de 500 bolivars (50 millions de bolivars actuels, soit environ 7 dollars au marché noir, la référence de facto), sera le point de départ d'un "grand changement".
Mais les analystes et économistes jugent pas viable, voire "surréaliste" le programme du gouvernement, qui prévoit aussi une hausse du salaire minimum de près de 3.500% (celui-ci étant multiplié par 34), l'assouplissement du rigide contrôle des changes ainsi qu'un nouveau système pour le prix de l'essence.
Nicolas Maduro a également annoncé que l'Etat assumerait pendant 90 jours le "différentiel" de l'augmentation du salaire minimum pour toutes "les petites et moyennes industries", sans en préciser les modalités.
"C'est un truc de dingue", déclare à l'AFP Henkel Garcia, directeur du cabinet Econometrica, alors qu'une hyperinflation attendue à 1.000.000% fin 2018 sévit au Venezuela.
Dans ce pays autrefois très riche, qui détient les plus grandes réserves pétrolières de la planète, le panorama économique s'est considérablement assombri. La production d'or noir, qui apporte 96% des revenus de l'Etat, a été divisée par deux en dix ans, passant de 3,2 millions de barils par jour (mbj) en 2008 à 1,4 mbj en juillet.
Le déficit s'élève à 20% du PIB et la dette externe à 150 milliards de dollars, alors que les réserves ne sont que de 9 milliards.
"Si tu maintiens le déficit et l'émission désordonnée d'argent (pour tenter d'y faire face), la crise va continuer de s'approfondir", déclare à l'AFP l'économiste Jean Paul Leidenz.
Crise régionale
Les nouveau billets arrivent 20 mois à peine après l'introduction progressive par le gouvernement de coupures de plus en plus grosses, de 500, 20.000 puis 100.000 bolivars.
Dix ans auparavant, en 2008, l'Etat vénézuélien avait déjà éliminé trois zéros en lançant le "bolivar fort". Cette fois-ci, il s'agit du "bolivar souverain".
Ce lancement coïncide avec de graves tensions migratoires dans la régions: les Nations unies estiment que 2,3 millions de Vénézuéliens ont fui leur pays à cause de la crise.
Le Brésil va envoyer des troupes à sa frontière avec le Venezuela après que des habitants de la ville limitrophe de Pacaraima ont brûlé les camps de fortune de migrants vénézuéliens.
A l'origine des tensions: le vol et l'agression samedi d'un commerçant de Pacaraima attribués à des Vénézuéliens.
Caracas a appelé le Brésil à "assurer la sécurité des ressortissants et de leurs biens".
En Equateur, des migrants vénézuéliens sont bloqués à la frontière, où on leur demande désormais un passeport, que la plupart n'ont pas, au lieu d'une simple carte d'identité.
Le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA) Luis Almagro a demandé sur Twitter aux pays de la région de "maintenir les portes ouvertes au peuple du Venezuela, victime de la pire crise humanitaire que le continent ait connue".
Trois des principaux partis d'opposition du Venezuela ont appelé à une grève de 24H mardi contre "des mesures désordonnées et irrationnelles, contradictoires et non viables, qui ne feront qu'accroître le chaos et la crise économique que subit le Venezuela".
"C'est un premier pas", a déclaré dimanche l'ex-syndicaliste Andrés Velasquez, dont la formation Causa R participe au mouvement. L'objectif, a-t-il assuré, est d'articuler "les protestations sociales", alors que des manifestations isolées contre les pénuries ou la faillite des services public se multiplient.
La coalition de l'opposition Plateforme de l'Unité démocratique (MUD) étant inexistante, le camp anti-Maduro est affaibli et divisé.
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