La féroce controverse entre le gouvernement italien et la société autoroutière gestionnaire de l'ouvrage, Autostrade per l'Italia, occupe tout le terrain médiatique avec une rhétorique de surenchère.
Le gouvernement a annoncé son intention de révoquer la concession d'Autostrada per l'Italia sur le tronçon d'autoroute où se trouve le pont effondré.
"On ne peut pas mourir en payant le péage en Italie", a ainsi lancé jeudi le vice-Premier ministre Luigi Di Maio, ministre du Développement économique et chef de file du populiste Mouvement 5 étoiles (M5S).
"Si j'avais été un dirigeant d'Autostrade per l'Italia, j'aurais suspendu quelques péages, mais dans l'heure qui a suivi" le drame, a déclaré l'autre vice-Premier ministre, Matteo Salvini, ministre de l'Intérieur et chef de la Ligue (extrême droite).
"Nous ne pouvons pas attendre la justice pénale", a estimé le chef du gouvernement, Giuseppe Conte. "Autostrade avait le devoir et l'obligation, l'engagement, d'assurer l'entretien de ce viaduc et la sécurité de tous ceux qui voyageaient dessus."
La société, qui appartient au groupe Atlantia, lui-même contrôlé à 30% par la famille Benetton, a assuré que ses contrôles de sécurité étaient sérieux.
La holding de Benetton, Edizione (actionnaire de référence), a exprimé sa proximité aux familles jeudi et indiqué qu'elle fera tout pour pointer du doigt les responsabilités dans ce drame.
Atlantia a de son côté déclaré qu'une reconstruction du pont pourrait "être achevée dans les cinq mois" une fois le site accessible après la fin des recherches et des relevés d'enquête.
Atlantia, dont le titre a plongé de 25% en Bourse la veille et qui repris 6% vendredi, a critiqué une annonce gouvernementale faite "en l'absence de toute certitude sur les causes effectives" du drame. Le groupe a prévenu que la révocation coûterait cher en indemnités à l'Etat. Selon des médias italiens, cela se chiffrerait en milliards d'euros.
l'UE une cible
Autre cible du gouvernement: l'Union européenne et sa politique d'austérité, accusée par le nouveau gouvernement populiste d'empêcher les investissements.
La Commission européenne a réagi en assurant avoir encouragé l'Italie à investir dans ses infrastructures et en rappelant que les Etats membres étaient "libres de fixer" leurs priorités.
Alors que le championnat de football doit reprendre ce week-end, les matches prévus dimanche de la Sampdoria et du Genoa, les deux équipes de Gênes, ont été reportés à une date ultérieure. Pour les autres rencontres, les joueurs observeront une minute de silence et porteront un brassard noir.
des funérailles solennelles
Des funérailles solennelles sont prévues samedi en fin de matinée dans un hall du centre d'exposition de Gênes, avec une messe célébrée par l'archevêque de Milan en présence de toutes les plus hautes autorités de l'Etat dont le président Sergio Mattarella.
Une cérémonie d'Etat qui s'annonce toutefois potentiellement embarrassante pour les institutions italiennes. Selon un décompte, noms à l'appui, de La Stampa, les familles de 17 des 38 victimes préfèrent s'abstenir et 7 familles n'ont pas encore pris de décision.
"C'est l'Etat qui a provoqué cela, qu'ils ne montrent pas leurs faces: le défilé des politiques a été honteux", réagit dans les colonnes du quotidien, Nunzia, la mère d'un des quatre jeunes italiens de Torre del Greco (commune de Naples) décédés sur la route des leurs vacances.
"Mon fils ne deviendra pas un numéro dans le catalogue des morts provoqués par les manquements italiens", a réagit pour sa part sur les réseaux sociaux Roberto, le père d'un autre des garçons. "Nous ne voulons pas une farce de funérailles, mais une cérémonie à la maison, dans notre église de Torre del Greco", a-t-il assené.
Les photos des quatre jeunes devraient néanmoins être présentes à la cérémonie d'Etat samedi.
Les secouristes cherchent encore 10 à 20 disparus, susceptibles d'être passées sur le pont et qui n'ont plus donné de nouvelles depuis l'effondrement, dont le bilan officiel provisoire est toujours de 38 morts et 15 blessés.
Selon la préfecture, un millier de personnes sont toujours engagées sur le site, dont près de 350 pompiers.
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