Après deux jours de silence, le pape François a réagi jeudi à ces mises en cause, se disant du "côté" des victimes et assurant vouloir "les écouter pour éradiquer cette horreur qui détruit la vie des innocents".
"La question, maintenant, est de savoir si le pape va répondre à cette vague d'accusations en plaçant les évêques devant leurs responsabilités", estime Michael Moreland, professeur de droit et religion à l'université Villanova en Pennsylvanie, au sujet de ce dossier qui concerne plus de mille enfants victimes.
Le souverain pontife avait déjà été critiqué pour n'avoir agi que très tard dans l'affaire des prêtres pédophiles au Chili, après avoir notamment défendu un évêque chilien soupçonné de dissimulation d'agressions sexuelles.
Après la publication des documents, le président de la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis (USCCB), l'évêque Timothy Doherty, a affirmé que le clergé catholique américain était "déterminé à travailler de façon résolue pour que des tels abus ne puissent plus arriver".
L'évêque Doherty a rappelé que depuis 2002, l'Eglise catholique américaine s'était dotée d'une charte, parfois appelée Dallas Charter, qui prévoit le signalement à la justice, l'abandon des accords de confidentialité et des sanctions pour prêtres et diacres convaincus d'agression sexuelle.
Pour Leon Podles, auteur du livre "Sacrilege" (2008) sur les abus sexuels au sein de l'Eglise catholique américaine, cette charte, actualisée plusieurs fois, dont la dernière en 2018, a apporté du changement "dans une certaine mesure".
Le nombre de cas a sensiblement diminué depuis la publication de ce document, reconnaît Lisa Fullam, professeure de théologie morale à l'université de Santa Clara, en Californie.
Cette diminution est aussi "partiellement due au fait que les parents sont maintenant avertis" et se méfient davantage, estime Leon Podles.
"Des conséquences juridiques" nécessaires
Mais "la charte ne concerne que les prêtres et les diacres, pas les évêques", qui ne sont passibles d'aucune sanction, souligne-t-il.
L'enquête menée par le procureur de Pennsylvanie a bien mis au jour le rôle actif de la hiérarchie pour dissimuler des cas de pédophilie.
Certains, au sein du clergé catholique américain, comme l'évêque d'Harrisburg, Ronald Gainer, dont le diocèse, situé en Pennsylvanie, a connu des affaires de pédophilie, ont décidé d'aller plus loin.
Mardi, il a rappelé avoir notamment pris l'engagement de signaler à la justice toute accusation d'agression sexuelle concernant un membre du diocèse, dans lequel ont été mis en place des formations obligatoires sur le sujet.
Pour Lisa Fullam, de l'université de Santa Clara, pour "s'assurer que cela ne se reproduise pas, il faut faire en sorte qu'il y ait des conséquences juridiques".
De nombreux prêtres ont été poursuivis, jugés et condamnés aux Etats-Unis dans des affaires de pédophilie, mais leur hiérarchie, elle, a toujours échappé aux poursuites pénales jusqu'ici.
D'autres pays, comme l'Australie, ont déjà osé briser ce tabou.
En mai, l'ancien archevêque australien Philip Wilson a ainsi été condamné à un an de détention pour avoir couvert des abus pédophiles.
Demande d'abolition de la prescription
Pour le parlementaire local de Pennsylvanie Mark Rozzi, qui a été abusé par un prêtre lorsqu'il avait 13 ans, le changement passera aussi par un durcissement des lois.
Il réclame notamment l'abolition de la prescription pour les crimes sexuels sur mineurs, inclue dans une proposition de loi en souffrance depuis plus d'un an à la Chambre des représentants de Pennsylvanie.
Seuls deux cas, sur plus de 300 présentés mardi par le procureur de Pennsylvanie, étaient ainsi encore passibles de poursuites pénales, les autres faits étant prescrits.
"Je pense qu'il y aura un nouvel élan dans plusieurs Etats, y compris en Pennsylvanie, pour modifier les dispositions relatives à la prescription", estime Michael Moreland, professeur de droit et religion à l'université Villanova.
La portée de toute modification législative sera néanmoins limitée par le principe de la non rétroactivité.
Restent les paroissiens. Jusqu'ici, aux Etats-Unis, ils n'ont pas poussé l'Eglise catholique à se réformer.
Après les scandales, "certains l'ont quitté, mais la plupart ne veulent pas y penser", considère Leon Podles. "Parce que s'ils prenaient ça au sérieux, cela les obligerait à faire des choses douloureuses, gênantes. Et ils ne le souhaitent pas. Donc ils n'y pensent pas."
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