Les désaccords sont apparus au grand jour dimanche, lorsqu'un rassemblement dans la capitale fédérale Washington a tourné au fiasco. Il avait été organisé, un an après jour pour jour, par le même homme qui était derrière la manifestation "Unite the Right" à Charlottesville (Virginie), au cours de laquelle une femme a été tuée par un sympathisant néo-nazi ayant foncé dans la foule.
Jason Kessler escomptait environ 400 manifestants près de la Maison Blanche. Une vingtaine de personnes seulement ont répondu à son appel, cernées par de très nombreux policiers et submergées par des milliers de contre-manifestants.
Une déconvenue pour le mouvement néo-nazi, qui, en novembre 2016, avait salué l'élection de Donald Trump au cri de "Heil Trump" et autres saluts nazis, et qui pensait que la victoire du milliardaire allait essaimer leurs opinions dans le grand public.
Les groupes néo-nazis avaient jubilé lorsque le président avait évoqué "des torts des deux côtés" à Charlottesville, estimant qu'il y avait des "gens très bien des deux côtés".
David Duke, un ancien leader du Ku Klux Klan, qui était présent à Charlottesville le 12 août 2017, avait alors tweeté: "Merci président Trump pour votre honnêteté et votre courage", le remerciant d'avoir "dit la vérité".
Mais les mois ont passé et le mouvement néo-nazi a été touché au plus douloureux: le compte en banque.
Des géants de la Silicon Valley refusent d'héberger des sites extrémistes et ont fermé des comptes servant à récolter des fonds pour des néo-nazis.
Les suprématistes subissent par ailleurs, relève Heidi Beirich, une "déplateformisation", c'est-à-dire qu'ils perdent leurs accès aux réseaux sociaux. Selon cette experte de l'observatoire des groupes extrémistes Southern Poverty Law Center (SPLC), plusieurs personnes ayant défilé à Charlottesville sont également poursuivies en justice.
Identité révélée
"Ca n'a pas été une bonne année pour les manifestants de Charlottesville et Kessler en a été tenu personnellement responsable", a dit Mme Beirich à l'AFP. "C'est ce qui explique qu'aussi peu de gens soient venus le soutenir" dimanche.
Certains experts imputent aussi cette faible présence au fait que les participants potentiels s'inquiètent que leur identité ne soit révélée.
Après Charlottesville, plusieurs manifestants néo-nazis ont perdu leur emploi lorsque leur photo a été publiée en ligne pour demander aux internautes de les identifier. Une pratique appelée "doxing".
"Si vous participez à cet événement (dimanche, NDLR) et que vous êtes identifié, votre vie sera détruite", avait prévenu Andrew Anglin, fondateur du site néo-nazi Daily Stormer, estimant qu'un autre problème de l'"alt-right" --l'extrême droite américaine-- était son apparence.
De nombreux participants à Charlottesville ayant considéré que rangers aux pieds et croix gammées leur donneraient une mauvaise image auprès du grand public, les avaient troquées pour des vêtements neutres.
Mais les plus extrémistes avaient vu cela comme une capitulation face au politiquement correct. Un comportement qualifié de "soumission optique" par le suprématiste Christopher Cantwell.
Reste que pour M. Anglin, le mouvement néo-nazi devrait s'employer à être "branché, cool, sexy, amusant".
"Nous devons parler de la culture. Nous ne voulons pas apparaître comme une bande de tocards bizarres qui défilent comme des trous du cul en étant complètement surpassés en nombre et en étant raillés par la planète entière", a-t-il ajouté.
Malgré leurs divisions, les néo-nazis ont un impact.
Dans la très libérale ville de Portland (Oregon), deux groupuscules d'extrême droite --Patriot Prayer et Proud Boys-- ont manifesté en soutien à Joey Gibson, fondateur de Patriot Prayer et candidat républicain au Sénat américain dans l'Etat de Washington voisin.
Plusieurs candidats ouvertement racistes ou nationalistes sont en lice aux élections législatives de novembre, dont le néo-nazi Arthur Jones, qui nie l'existence de l'Holocauste et brigue dans l'Illinois un siège au Congrès américain.
Ou encore Paul Nehlen, qui devrait remporter dans le Wisconsin le siège de l'actuel président de la Chambre des représentants Paul Ryan, sur le point de prendre sa retraite. M. Nehlen s'est révélé être un dirigeant important de l'alt-right.
Pour Mme Beirich, l'extrême droite reste enhardie par la présence de Donald Trump à la Maison Blanche et se délecte de sa rhétorique et de ses politiques anti-immigration.
"Ils pensaient qu'il était un milliard de fois mieux que tout ce qu'ils avaient pu voir de leur vivant", a-t-elle relevé. "Et je ne pense pas que leur enthousiasme ait faibli en la matière."
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