La loi tunisienne actuelle, qui s'appuie sur le droit islamique, prévoit qu'en règle générale, un homme hérite le double d'une femme du même degré de parenté.
Le dépôt d'un projet de loi établissant l'égalité est une "avancée majeure, inédite" a salué la présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates, Yosra Frawes.
"Nous donnons de l'espoir à toutes les femmes dans le monde arabe", s'est réjoui de son côté Bochra Belhaj Hmida, la présidente de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (Colibe), mise en place par le président. La Colibe a fait de cette égalité une de ses propositions phares pour moderniser la société tunisienne.
Elle a espéré que "le Maroc prenne la suite". Longtemps tabou, le débat sur l'héritage a également surgi dans ce pays ces derniers mois.
Quelques heures après l'annonce du président tunisien, deux mille personnes, selon la police, dont de nombreuses femmes, ont manifesté dans le centre de Tunis.
"Nous sommes redescendus dans la rue pour l'égalité", ont clamé les manifestants. De nombreuses femmes ont arboré ou se sont drapées dans le drapeau tunisien rouge et blanc, a constaté une journaliste de l'AFP.
Samedi, une manifestation hostile aux propositions de réforme sociétales de la Colibe avait rassemblé plus de 5.000 personnes à Tunis.
"Inverser la situation"
"On va inverser la situation", en faisant de l'égalité la règle, et de l'inégalité une dérogation, a déclaré le président tunisien dans un discours télévisé à l'occasion de la journée de la femme tunisienne.
L'égalité dans l'héritage est l'une des mesures les plus débattues parmi une série de réformes sociétales proposées par la Colibe afin de traduire dans la loi l'égalité consacrée par la Constitution de 2014, adoptée dans la foulée de la Révolution ayant mis fin à la dictature.
Le projet de loi prévoit néanmoins de laisser la possibilité au testateur "soit d'appliquer la Constitution soit de choisir la liberté", a-t-il précisé.
Le patrimoine familial serait partagé par défaut de façon égale entre héritiers hommes et femmes. Le propriétaire du patrimoine aurait toutefois la possibilité d'aller chez un huissier-notaire afin de répartir son bien selon la règle des deux-tiers pour l'homme, un tiers pour la femme.
Ysra Frawes a regretté que le président ne soit "pas allé jusqu'au bout", en rendant l'égalité obligatoire.
Le débat s'annonce houleux au Parlement, surtout à l'approche des scrutins législatif et présidentiel prévus en 2019.
Difficile toutefois d'évaluer les chances que ce texte soit voté à courte échéance: peu d'élus ont pris position clairement sur un sujet qui divise au sein même de chaque parti, alors que des dizaines de lois sont toujours en attente d'être votées par une assemblée dont les travaux avancent péniblement, en raison des clivages et de l'absentéisme.
L'annonce survient alors que le parti au pouvoir, Nidaa Tounès, fondé par M. Caïd Essebsi en 2012, est profondément secoué par des luttes de pouvoir, et tente de regagner du terrain face au parti d'inspiration islamiste Ennahdha, aujourd'hui principale formation au Parlement.
Le président, insistant sur le fait que la Tunisie est "un Etat civil", a appelé les élus d'Ennahdha à voter le projet de loi qui doit être présenté aux députés dès la fin des vacances parlementaires selon lui.
"Les rôles ont changé"
Même si, selon M. Caïd Essebsi, Ennahdha lui a exprimé par écrit "des réserves" sur certaines réformes notamment sur l'égalité successorale, la formation islamiste n'a pas pris position explicitement sur ce sujet.
Un dirigeant d'Ennahdha, l'ancien Premier ministre Ali Larayedh, s'est borné à déclarer lundi que le combat pour les droits des femmes "n'est pas contre la religion et l'identité, mais se fait dans le cadre des enseignements de la religion".
Nidaa Tounès, dont les élus semblent divisés sur la question, a assuré dans un communiqué dimanche que "la réalisation de l'égalité totale demeure un objectif noble et que les conditions pour l'atteindre sont aujourd'hui réunies".
En Tunisie, ceux qui soutiennent l'inégalité dans l'héritage la justifient en considérant que l'homme doit être avantagé car c'est à lui de subvenir aux besoins du foyer.
Pour Hlima Jouini, membre de l'Association tunisienne des femmes démocrates, "les rôles ont changé, maintenant la femme est responsable de ses parents, de sa famille, l'homme n'est plus le seul responsable ou le chef de la famille donc il faut que la législation se conforme à ce changement".
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