La loi actuelle, qui s'appuie sur le droit islamique, prévoit qu'en règle générale, un homme hérite le double d'une femme du même degré de parenté.
"On va inverser la situation", en faisant de l'égalité la règle, et de l'inégalité une dérogation, a déclaré le président tunisien dans un discours télévisé à l'occasion de la journée de la femme tunisienne.
La loi laisserait néanmoins la possibilité au testateur "soit d'appliquer la Constitution soit de choisir la liberté", a-t-il précisé.
L'égalité dans l'héritage est l'une des mesures les plus débattues parmi une série de réformes sociétales proposées par une commission que le président avait créé il y a un an, afin de traduire dans la loi l'égalité consacrée par la Constitution de 2014, adoptée dans la foulée de la Révolution ayant mis fin à la dictature.
Cette Commission pour les libertés individuelles et l'égalité (Colibe) a suggéré que le patrimoine familial soit partagé par défaut de façon égale entre héritiers hommes et femmes. Le propriétaire du patrimoine aurait toutefois la possibilité d'aller chez un huissier-notaire afin de répartir son bien selon la règle des deux-tiers.
Il reste difficile d'évaluer les chances que ce texte soit voté à courte échéance. Peu d'élus ont exprimé clairement leur position sur un sujet qui divise au sein même de chaque parti, alors que des dizaines de lois sont toujours en attente d'être votées par un Parlement dont les travaux avancent péniblement, en raison des clivages et de l'absentéisme.
L'annonce survient alors que le parti au pouvoir, Nidaa Tounès, fondé par M. Caïd Essebsi en 2012, est profondément secoué par une lutte de pouvoir au sein de sa direction à l'approche des scrutins législatif et présidentiel prévus en 2019. Lors de ces élections, Nidaa Tounès espère renforcer ses positions face au parti d'inspiration islamiste Ennahdha, aujourd'hui principale formation au Parlement.
Le président a appelé les élus d'Ennahdha à voter ce texte, qui doit être présenté aux députés dès la fin des vacances parlementaires selon lui.
Même si, selon M. Caïd Essebsi, Ennahdha lui a exprimé par écrit "des réserves" sur certains réformes notamment sur l'égalité successorale, la formation islamiste n'a pas pris position explicitement sur ce sujet.
"Etat civil"
Un dirigeant d'Ennahdha, l'ancien Premier ministre Ali Larayedh, a affirmé dans un discours lundi: "Nous allons poursuivre notre combat dans le cadre des objectifs de la révolution et de la Constitution de 2014".
"Ce combat long et dur n'est pas contre l'homme mais en partenariat avec lui, n'est pas contre la famille mais en partenariat avec elle, n'est pas contre la religion et l'identité, mais se fait dans le cadre des enseignements de la religion", s'est-il borné à dire.
Nidaa Tounès, dont les élus semblent divisés sur la question, a assuré dans un communiqué dimanche que "la réalisation de l'égalité totale demeure un objectif noble et que les conditions pour l'atteindre sont aujourd'hui réunies".
En Tunisie, ceux qui soutiennent l'inégalité dans l'héritage la justifient en considérant que l'homme doit être avantagé car c'est à lui de subvenir aux besoins du foyer.
Pour Hlima Jouini, membre de l'Association tunisienne des femmes démocrates, "les rôles ont changé, maintenant la femme est responsable de ses parents, de sa famille, l'homme n'est plus le seul responsable ou le chef de la famille donc il faut que la législation se conforme à ce changement".
La Colibe a assuré de son côté que son approche n'était "pas contraire à l'essence de l'islam", mais dans la lignée de la logique du Coran.
Samedi, une manifestation contre cette commission a rassemblé des milliers de personnes devant le Parlement tunisien, certains brandissant le Coran, aux cris de "avec notre sang, nous défendrons l'islam".
Mais une autre manifestation, en faveur de l'égalité et des libertés individuelles, est prévue lundi soir à Tunis à l'appel de nombreuses associations.
Le président a lui insisté sur le fait que la Tunisie est "un Etat civil" en vertu de sa Constitution.
Longtemps tabou, le débat sur l'héritage a également surgi au Maroc depuis plusieurs mois.
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