Quand ils ont soulevé une fois le Saladier d'argent récompensant le vainqueur de la Coupe Davis, les meilleurs joueurs mondiaux ont une tendance lourde à en négliger les éditions suivantes. C'est ce constat récurrent qui a engendré le projet proposé à l'assemblée générale de l'ITF à Orlando. Il repose sur deux piliers: condenser l'épreuve pour alléger le calendrier et appâter les joueurs avec des gains qui montent en flèche.
Finis les quatre week-ends prolongés répartis au long de l'année, à domicile ou à l'extérieur. Finies aussi les joutes en trois sets gagnants, au profit de parties en deux. Terminées enfin les rencontres en cinq points, remplacées par des duels limités à deux simples et un double, soldés en une journée.
Place, dès 2019, à une phase finale d'une semaine réunissant dix-huit équipes, en clôture de la saison, sur terrain neutre -point qui cristallise les critiques. Les quatre demi-finalistes de l'édition précédente seraient automatiquement qualifiés. S'y ajouteraient deux nations invitées, et douze issues d'un premier tour disputé sur le modèle historique domicile/extérieur réduit à deux jours.
Manne financière
Ce tour qualificatif - quatre simples et un double au meilleur des trois sets - ne figurait pas dans la première mouture dévoilée par l'ITF en début d'année. Mais, devant la levée de boucliers qu'elle a soulevée, l'instance a légèrement amendé son projet.
Au-delà du format, les revenus de l'épreuve s'envolent. Le partenariat avec le groupe d'investissement Kosmos, présidé par le footballeur Gerard Piqué, porte sur vingt-cinq ans et trois milliards de dollars (2,5 milliards d'euros environ). Il garantit vingt millions de dollars (17 M EUR) chaque année aux joueurs participants, et plus encore (22 M USD, 19 M EUR) dévolus aux fédérations pour le développement du tennis.
Un panier bien garni, pas du goût de tous pour autant. Pour ses détracteurs, joueurs en activité comme anciens - Lucas Pouille et Yannick Noah notamment - c'est tout le sel de la Coupe Davis qui est en jeu.
"La fin de la Coupe Davis. Quelle tristesse. Ils ont vendu l'âme d'une épreuve historique. Sorry Mister Davis (créateur de la compétition par équipes en 1900, ndlr)", écrivait Noah, l'actuel capitaine de l'équipe de France, sur Twitter fin février.
La dernière offensive en date contre la réforme vient de grands noms du tennis australien, de Rod Laver à Lleyton Hewitt.
"Vous ne pouvez pas appeler ça la Coupe Davis. (...) C'est une transaction financière. Il n'est question que d'argent, pas de représenter son pays, ça n'a aucun sens", assène Hewitt.
La France dit oui, l'Australie non
La formule proposée "enlève à la Coupe Davis tout ce qui en fait un événement unique et spécial", déplore dans une lettre adressée à l'ITF la Fédération australienne, un des cinq poids lourds (en terme de nombres de voix) du scrutin à venir avec la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l'Allemagne.
Autre épine dans le pied de la Fédération internationale, la renaissance officialisée début juillet par l'ATP --organisatrice du circuit professionnel masculin-- de sa compétition par équipes en sommeil depuis 2012, la World Team Cup, en partenariat avec Tennis Australia, à partir de janvier 2020. Si bien qu'en cas de Coupe Davis revisitée, se dessinerait un horizon à deux "Coupes du monde" comparables à moins de deux mois d'intervalle.
Dans ces conditions, l'ITF obtiendra-t-elle les deux tiers de voix requises pour entériner sa réforme ?
A l'approche du vote, l'organisation se veut "confiante" et "optimiste", forte du "soutien total" à son projet apporté dernièrement par trois des quatre tournois du Grand Chelem, Roland-Garros, Wimbledon et l'US Open.
"Beaucoup de nations, non seulement en Europe mais partout dans le monde, soutiennent la réforme", a estimé son président David Haggerty dans un entretien à l'AFP. Parmi les fédérations qui comptent, la France a exprimé son appui, arrêté en assemblée générale extraordinaire de la FFT fin juin. Plusieurs confédérations plus modestes en ont fait autant.
Un précédent invite toutefois l'ITF à la prudence : il y a un an, sa tentative de raccourcir les simples de Coupe Davis de trois à deux sets gagnants avait été repoussée de justesse.
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