Le gouvernement français a salué "un jugement historique" et le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a appelé Européens et Américains à participer à la "guerre" contre ces produits.
Malgré cette décision qui pourrait faire jurisprudence, le groupe pharmaceutique allemand ne semble pas vouloir arrêter la production du glyphosate, toujours plébiscité par les cultivateurs pour son efficacité et son faible coût mais très critiqué, notamment en Europe.
"Sur la base de preuves scientifiques, d'évaluations réglementaires à l'échelle mondiale et de décennies d'expérience pratique de l'utilisation du glyphosate, Bayer estime que le glyphosate est sûr et non cancérogène", a déclaré à l'AFP un porte-parole de l'entreprise.
Quelques heures plus tôt, un jury d'un tribunal de San Francisco avait condamné Monsanto à payer près de 290 millions de dollars de dommages à Dewayne Johnson.
Ce jardinier américain de 46 ans estimait que les produits de Monsanto, notamment le Roundup qu'il avait abondamment vaporisé pendant des années, avaient entraîné son cancer et que la multinationale avait sciemment caché leur dangerosité.
Les jurés ont déterminé que Monsanto avait agi avec "malveillance" et que son herbicide Roundup, ainsi que sa version professionnelle RangerPro, avaient "considérablement" contribué à la maladie de M. Johnson.
Ce père de trois garçons a appris en 2014 qu'il souffrait d'un lymphome non hodgkinien, un cancer incurable du système lymphatique. Les médecins lui donnent moins de deux ans à vivre.
M. Johnson, qui n'avait pas de problèmes de santé auparavant, a expliqué au cours de son témoignage qu'il n'avait aucune idée des controverses sur le glyphosate avant d'avoir vu des marques sur sa peau et de s'être renseigné sur internet.
Se "battre jusqu'au bout"
Pour ses avocats, Monsanto a fait passer ses bénéfices avant la santé publique en bataillant contre des études évoquant des risques de cancer autour du Roundup.
Et selon l'un des avocats du plaignant, Brent Wisner, le verdict "montre que les preuves (de la dangerosité du glyphosate) sont accablantes".
"Des gens souffrent du cancer car Monsanto ne leur a pas donné le choix", a-t-il ajouté, se disant déterminé à "(se) battre jusqu'au bout", l'entreprise comptant faire appel. "Comment ose-t-elle ?", s'est-il interrogé.
Car à l'instar de Bayer, Monsanto estime qu'il n'y a aucun lien entre cancer et glyphosate et donc aucune raison d'avertir d'un danger quelconque à propos de cette substance très controversée.
"Nous ferons appel de la décision et continuerons à défendre vigoureusement ce produit qui bénéficie de 40 ans d'histoire d'une utilisation sans danger et qui continue à être un outil essentiel, efficace et sans danger pour les agriculteurs et autres usagers", avait expliqué le groupe dans un communiqué.
Robert F. Kennedy Jr, le célèbre avocat spécialiste de l'environnement et membre de la défense de M. Johnson, a affirmé que les jurés avaient "envoyé un message à Monsanto pour que l'entreprise change sa manière de faire du business".
Selon lui, le procès a permis de montrer la "corruption des autorités publiques" et la prise en otage des "agences qui sont censées nous protéger de la pollution et de la falsification de la science".
Bayer n'a de son côté pas voulu faire de ce procès un cas d'école.
"L'arrêt de la Cour contredit les conclusions scientifiques selon lesquelles il n'existe aucun lien entre l'utilisation du glyphosate" et la maladie de M. Johnson. "D'autres affaires peuvent être portées devant d'autres tribunaux et d'autres jurys, qui peuvent aboutir à des conclusions différentes", a-t-il estimé.
Jurisprudence ?
Cependant, ce procès historique, le premier à concerner le caractère possiblement cancérigène des produits au glyphosate de Monsanto, pourrait bien faire effet boule de neige. Avec des conséquences qui pourraient coûter cher à Bayer qui avait bouclé début juin pour 63 milliards de dollars l'achat de l'Américain.
Le groupe pharmaceutique n'a pas voulu préciser s'il avait commencé à provisionner ses comptes pour solder les multiples ennuis judiciaires auxquels doit faire face leur nouvelle acquisition.
Conscient de la mauvaise image portée par Monsanto, parfois surnommée "Monsatan" ou "Mutanto" par ses détracteurs, le groupe allemand avait rapidement fait savoir que la marque "Monsanto" devrait être abandonnée.
Malgré un changement de nom probable, le verdict de vendredi "va provoquer une cascade de nouvelles affaires", prédit Robert F. Kennedy Jr, qui compte demander à ce que l'appel de Monsanto soit traité en urgence compte tenu de l'état de santé de son client.
Des milliers de procédures contre Monsanto et son produit phare le Roundup sont déjà en cours aux Etats-Unis, à des degrés divers d'avancement.
Son herbicide vedette lancé en 1976 contient du glyphosate, substance qui fait l'objet d'études scientifiques contradictoires quant à son caractère cancérigène.
Herbicide le plus utilisé au monde sous diverses marques, depuis que le brevet détenu par Monsanto est tombé dans le domaine public en 2000, il est aussi accusé d'être néfaste pour l'environnement et de contribuer à la disparition des abeilles, ou encore d'être un perturbateur endocrinien.
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