La "dame de fer", 69 ans, a quitté l'école de gendarmerie où elle était détenue depuis quatre ans vers 12H15 (locales et GMT) pour regagner sa résidence du quartier de Cocody à Abidjan où l'attendaient un millier de sympathisants en liesse.
"J'éprouve un sentiment de joie, de bonheur, c'est un grand jour pour la Côte d'Ivoire" a confié a l'AFP une militante du Front populaire ivoirien (FPI, le parti créé par son époux, Laurent Gbagbo).
A son arrivée, L'ex-première dame, vêtue d'une robe violette a été accueillie sous les vivats de plusieurs centaines de sympathisants et au son des tambours, dans une rare cohue.
Se penchant à l'extérieur de sa voiture, où se trouvait son fils Michel Gbagbo, elle a salué pendant une minute ses supporters, avant de s'engouffrer dans sa résidence.
La première déclaration de Mme Gbagbo est attendue en milieu de journée.
L'amnistie de 800 personnes, dont Simone Gbagbo, a été annoncée lundi par le président Ouattara, afin de favoriser la réconciliation nationale en Côte d'Ivoire.
Outre Mme Gbagbo, plusieurs personnalités de l'ex-régime, dont l'ancien ministre de la Défense Lida Kouassi, détenu depuis 2014 et condamné début 2018 à 15 ans de prison pour "complot", ainsi que l'ancien ministre de la Construction, Assoa Adou, condamné en 2017 à quatre de prison, ont bénéficié de cette mesure.
Cette mesure d'amnistie a été unanimement salué par la classe politique en Côte d'Ivoire, évoquant "un geste fort en faveur de la réconciliation nationale" à deux ans de la prochaine élection présidentielle.
'geste de mépris'
En revanche, onze organisations de défense des droits de l'homme ivoiriennes et internationales ont dénoncé cette large amnistie, dénonçant "un geste de mépris vis-à-vis des victimes".
"Aucune amnistie ne devrait s'appliquer aux crimes de guerre, crimes contre l'humanité et autres graves violations des droits humains commis en Côte d'Ivoire pendant la crise", ont déclaré dans un communiqué la Ligue ivoirienne des droits de l'Homme, le Mouvement ivoirien des droits humains, Human Rights Watch, Amnesty international, la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme et six autres ONG ivoiriennes.
La "dame de fer" ivoirienne est également mise en cause au sujet des exactions commises par des escadrons de la mort pendant la crise politico-militaire du début des années 2000 ainsi que dans la dispartion en avril 2004 du journaliste Guy-André Kieffer, qui enquêtait sur des malversations dans la filière cacao, ca qui pourrait avoir gêné l'entourage du président Laurent Gbagbo, alors au pouvoir.
Libre en Côte d'Ivoire, Simone Gbagbo reste poursuivie par la Cour pénale internationale (CPI) qui a délivré contre elle un mandat d'arrêt en février 2012. Mais le président Ouattara a affirmé en 2016 qu'il "n'enverrait plus d'Ivoiriens" à la CPI, estimant que son pays avait désormais une "justice opérationnelle".
Laurent Gbagbo est quant à lui à la Haye depuis 2011 au centre de détention de la Cour pénale internationale où se déroule depuis 2016 son procès pour crimes contre l'humanité, pour des faits remontant à la crise de 2010-2011, qui a fait 3.000 morts.
La question de la réconciliation nationale en Côte d'Ivoire, après la décennie de crise politico-militaire des années 2000 qui a déchiré le pays, était considérée jusqu'à présent par les observateurs comme un point noir du bilan d'Alassane Ouattara, dont le régime est accusé par l'opposition d'avoir pratiqué une "justice des vainqueurs".
Dans un rapport confidentiel dont l'AFP a eu connaissance jeudi dernier, les ambassadeurs de l'Union européenne en Côte d'Ivoire qualifiaient la question de la réconciliation de "faille majeure" des sept ans de pouvoir du président Ouattara.
"La réconciliation nationale, si nécessaire dans ce pays longtemps divisé, et en dépit de la création d'une commission dédiée à ce sujet mais aux résultats vides de sens, semble avoir été sacrifiée sur l'autel de l'impunité et de l'amnésie", écrivaient les chefs de missions diplomatiques de l'UE.
Une inquiétude largement partagée en Côte d'Ivoire, qui fait craindre une possible résurgence de violence pendant l'élection présidentielle de 2020, tant les blessures de la crise sont encore vives.
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