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Au Soudan, une féministe veut poursuivre la lutte malgré ses déboires judiciaires

La célèbre militante de la cause des femmes au Soudan Wini Omer affirme vouloir poursuivre son combat, malgré de nouveaux déboires avec la justice destinés, selon elle, à la réduire au silence.

Au Soudan, une féministe veut poursuivre la lutte malgré ses déboires judiciaires
Photo de la célèbre militante féministe soudanaise Wini Omer, prise le 14 mai 2018 à Khartoum - STRINGER [AFP/Archives]

Accusée de prostitution, Wini Omer est jugée depuis le 24 juillet pour atteinte à l'ordre public. Son seul tort: la police l'a surprise en février avec des amis --deux hommes et une femme-- dans un appartement de la banlieue de Khartoum.

"Nous avons essayé de leur expliquer qu'il s'agissait (...) d'une rencontre ordinaire", raconte à l'AFP la journaliste de 30 ans.

"On leur a dit qu'il n'y avait aucune raison pour que des policiers entrent brusquement par la fenêtre et nous accusent de choses comme ça", poursuit-elle.

Elle passera toutefois cinq jours en détention.

En marge de son procès pour atteinte à l'ordre public, les enquêteurs l'ont informée que des allégations d'espionnage la concernant étaient à l'étude, même si elle n'a jusqu'ici pas été inculpée, affirme-t-elle dans cet entretien accordé à l'AFP début août.

"Je n'ai pas peur d'affronter l'Etat au tribunal", lance Mme Omer.

"Ce qui compte pour moi, c'est de faire passer notre message à tout le monde, et aux institutions étatiques oppressives. Leur dire que nous n'avons pas peur et que nous sommes toujours prêts à lutter pour nos droits", martèle-t-elle.

Lors d'une audience mardi au tribunal, la police a indiqué avoir mené en février le raid dans l'appartement après l'avoir surveillée pendant deux semaines, ont rapporté des médias soudanais.

"La police a affirmé à la cour qu'au moment d'entrer dans l'appartement, elle a trouvé les quatre accusés entièrement habillés et en train de discuter", a indiqué mercredi à l'AFP l'avocat de la militante, Fateh al-Hussein.

Répression

Les rassemblements, publics ou privés peuvent être la cible de raids de la police des moeurs, selon les défenseurs des droits de l'Homme.

Ces affaires sont examinées par des procureurs spéciaux avant d'être déférées devant des tribunaux spéciaux.

Cela fait dix ans que Mme Omer lutte pour les droits des femmes au Soudan. Son militantisme a débuté à l'université alors qu'elle faisait des études d'anthropologie.

Ce n'est pas la première fois qu'elle a affaire à la justice. Un jour où elle attendait le bus à Khartoum, elle avait été accusée de porter une tenue "indécente". Elle était en jupe et un foulard couvrait ses cheveux. Elle sera finalement innocentée.

Des milliers de femmes ont été inculpées au Soudan pour "atteinte à l'ordre public". Elles peuvent être punies par des coups de fouet ou des peines de prison, selon les militants.

Selon l'Initiative locale "Non à l'oppression des femmes", 15.000 femmes ont reçu des coups de fouet en 2016 pour avoir enfreint l'ordre public, dans un pays où elles sont déjà nombreuses à être victimes de viol conjugal, de mariage précoces et mariages forcés.

Les militants dénoncent une application arbitraire de la loi islamique et le poids des traditions tribales.

"Poursuivre la lutte"

"Les régulations telles que la loi sur l'ordre public sont des outils utilisés pour harceler les militants des droits de l'Homme, et pour instiller la peur chez le citoyen", estime Mme Omer.

Ces derniers mois, la militante s'est engagée au côté de Noura Hussein, une adolescente mariée de force et condamnée à mort en première instance pour avoir tué son époux qu'elle accusait de viol.

Le verdict, qui a provoqué un tollé international, a récemment été commué par une Cour d'appel en une peine de cinq ans de prison.

Malgré les obstacles, Mme Omer se veut optimiste et assure que sur les réseaux sociaux, le débat est lancé: "on se demande de plus en plus si les femmes ont le droit de s'habiller comme elles veulent ou d'épouser la personne de leur choix".

"Le changement se fait quand vous luttez pour vos droits (...) Nous devons poursuivre la lutte pour nos droits personnels".

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