Les Tricolores sont passés par toutes les émotions à l'Olympiastadion de Berlin, où ce n'est finalement pas leur représentant le plus illustre et le plus attendu qui a fini par s'imposer. Tous les yeux étaient rivés sur le duo Mayer-Vicaut, censé donner une belle impulsion au reste de la troupe, mais c'est finalement le surprenant Amdouni qui a ouvert le compteur tricolore en s'imposant au bout de 10 km en 28 min 11 sec 22.
Dans une distance désormais orpheline du maître britannique Mo Farah, quadruple champion olympique parti chasser les courses sur route, le natif de Porto-Vecchio d'origine tunisienne a enfin récolté, à 30 ans, les fruits de sa persévérance pour offrir à son pays le premier titre sur 10.000 m de son histoire au terme d'une course parfaitement négociée et contrôlée.
"Gagner ici, ça me touche", a-t-il lancé les yeux brillants. "Cela a été un combat depuis les Mondiaux-2009 car j'ai enchaîné blessure après blessure. Être le premier Français médaillé d'or, ça me tenait vraiment à cœur, j'espère que ça va ouvrir la voie aux autres. On dit qu'il n'y a pas de Français sur 10.000 m, voilà, c'est le renouveau français."
Mayer se saborde
Les Bleus avaient bien besoin de ce succès, eux qui venaient de perdre coup sur coup deux de leurs plus belles chances de monter sur la plus haute marche du podium. En fin de matinée, c'est d'abord le champion du monde Kevin Mayer, grandissime favori du décathlon, qui s'était sabordé en mordant ses trois essais au saut en longueur.
Sans adversaire à sa taille sur la scène continentale, Mayer semblait promis à un premier trophée européen, lui qui survole les épreuves combinées depuis la retraite de l'Américain Ashton Eaton après les JO-2016. Vainqueur de l'Euro en salle et des Mondiaux de Londres en 2017 avant une nouvelle médaille d'or mondiale en salle début 2018, le natif d'Argenteuil était au sommet de son art à 26 ans et osait même parler à haute voix du record du monde d'Eaton (9.045 points). Mais l'impensable s'est produit au pire moment.
Ce triple zéro, la hantise de tout décathlonien, Mayer l'avait évoqué avant d'entrer dans l'arène. Mais le vice-champion olympique ne pensait sûrement pas en être victime dès le 2e de ses dix travaux à Berlin, alors que la victoire lui tendait les bras faute de concurrents à sa mesure.
Tout avait pourtant idéalement débuté pour le Français avec un meilleur chrono personnel amélioré sur 100 m (10 sec 64). Mais la catastrophe à la longueur a tout balayé.
La tuile Vicaut
"J'avais une forme comme jamais j'en avais ressentie", a-t-il déclaré, dépité et au bord des larmes. "Il n'y a pas de regret mais beaucoup de frustration, et de la tristesse pour mes proches, ceux qui me suivaient et m'attendaient. Je ne parle pas de malchance, je mets tout sur moi."
Une fois la déception Mayer digérée, les Bleus n'étaient pourtant pas au bout de leurs peines. En début de soirée et après avoir fait forte impression en demi-finale (9 sec 97), Jimmy Vicaut a dû renoncer la mot dans l'âme à la finale du 100 m en raison de douleurs aux ischio-jambiers. Une tuile énorme qui s'ajoute à la longue liste d'avanies du Français de 26 ans en grands championnats.
C'est à croire que le natif de Bondy est victime d'un sort dès lors qu'une médaille d'or est en jeu. Co-détenteur du record d'Europe sur la ligne droite (9 sec 86), Vicaut n'a toujours pas réussi à convertir ses beaux chronos en lauriers. 2e en 2012, sorti sur blessure après les séries en 2014 et seulement 3e en 2016, il n'est pas parvenu à réparer cette anomalie, encore une fois trahi par son corps, qui l'a lâché à l'échauffement.
Est-ce encore le stress qui l'a tétanisé au pire moment ou les séquelles de ce pépin à la cuisse aux "France", le 6 juillet, qui l'avait obligé à écourter son programme un mois avant l'échéance continentale?
Avec Vicaut, la tête est aussi fragile que le corps et il en a encore payé le prix fort, laissant les honneurs à Zharnel Hughes (9 sec 95) alors qu'il était arrivé à Berlin avec le meilleur temps européen (9 sec 91), à égalité avec le Britannique. S'en remettra-t-il?
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