A l'issue d'une audience en comparution immédiate, le président du tribunal correctionnel de Créteil a justifié sa décision par "l'animosité persistante entre les deux groupes" et le risque de nouvelles altercations. Les neuf autres prévenus dans ce dossier ont également été placés en détention provisoire.
Prise après environ deux heures de délibération, la décision a été accueillie par des cris de surprise et de colère. "Ca va être la guerre", a-t-on entendu dans le public. Les avocats des deux rappeurs ont aussitôt annoncé qu'ils feraient appel de leur incarcération.
Après deux nuits en garde à vue, Booba, 41 ans, et son ex-poulain Kaaris, 38 ans, sont donc retournés derrière les barreaux avec les membres de leur garde rapprochée soupçonnés d'avoir participé à la rixe qui a éclaté mercredi dans un des halls d'Orly. Ils risquent jusqu'à 7 ans de prison.
Afin d'éviter tout incident, les deux frères ennemis du rap français et leurs proches ont été écroués dans des prisons séparées: Kaaris à Fresnes (Val-de-Marne) et Booba à Fleury-Mérogis (Essonne), a-t-on appris samedi de source proche du dossier.
Tous deux sont seuls dans leur cellule comme pendant leur temps de promenade, selon cette source. "C'est une mesure qui est prise pour les protéger", a-t-elle expliqué.
Anciens proches devenus rivaux, ces deux poids lourds du rap hexagonal s'étaient croisés mercredi à l'aéroport d'Orly où ils devaient s'envoler pour Barcelone pour s'y produire séparément. Le ton était monté et, avant d'embarquer, une bagarre générale entre les deux clans avait éclaté dans une boutique de duty-free sous les yeux de passagers éberlués, dont certains avaient filmé la scène. Les images ont, depuis, fait le tour des réseaux sociaux.
"Ce qui est arrivé est inexcusable", avait déclaré vendredi devant le tribunal Booba, jouant l'apaisement. "L'abcès a été crevé, si on doit être irréprochables pour la justice et le rap, on le sera sans problème".
Son avocat, Yann Le Bras avait lui aussi tenté d'effacer l'image de "rappeurs qui se déchaînent (...) dans un aéroport". Dans le box, ce sont des "quadragénaires, pères de famille", a-t-il dit, décrivant son client, originaire de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), comme un "chef d'entreprise exemplaire".
"Tout est terminé, tout est apaisé", avait renchéri Kaaris, originaire de Sevran (Seine-Saint-Denis). Rejetant toute responsabilité dans la rixe, un de ses avocats Me David-Olivier Kaminski, avait assuré que son client "n'a rien à faire en prison".
"Vitrine de la France"
Le tribunal a toutefois préféré suivre les réquisitions du parquet, qui était favorable à un placement en détention provisoire pour sanctionner un "événement grave" survenu à Orly, "vitrine de la France" .
Aussitôt la décision connue, les avocats ont dénoncé une justice rendue sous l'influence de "l'émoi médiatique" et des "chaînes d'infos en continu".
Après la rixe, des plaintes avaient été déposées par Aéroports de Paris et Air France, qui a chiffré à 8.500 euros son préjudice dû aux retards sur plusieurs vols. Le gérant de la boutique de duty-free, qui a également déposé plainte, a lui fait état de 54.000 euros de dégâts.
Les rappeurs, qui à l'origine s'affrontaient plutôt lors de joutes verbales, ont trouvé ces dernières années sur les réseaux sociaux un nouveau terrain de jeu pour se "clasher". Mais cela va parfois plus loin.
Booba s'était déjà battu en 2013 avec le rappeur La Fouine, à Miami. Un autre de ses rivaux, Rohff, a lui été condamné à cinq ans de prison pour avoir, en 2014, violemment agressé un vendeur distribuant la marque de vêtements de Booba à Paris.
Ces heurts s'inscrivent également parfois dans une stratégie de communication bien connue dans le "rap game" où les rivalités, réelles ou fictives, sont savamment entretenues.
Selon une source policière, les enquêteurs n'excluaient d'ailleurs pas que la rixe de mercredi, malgré sa violence, ait pu être un "coup de communication" monté par un des clans. "Le fait de se retrouver dans un lieu neutre, public, sans armes, où l'on sait que si on se confronte ça ne fera pas trop de dégâts (...), ça pourrait ne pas être le hasard", avait suggéré cette source.
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