Autoproclamé anartiste, Marcel Duchamp défia sans cesse les codes de l'art avec pour arme l'humour. Cette exposition rétrospective ludique, à voir au musée des Beaux-Arts à Rouen (Seine-Maritime), retrace l'évolution des pensées et des pratiques artistiques d'un homme en décalage complet avec son temps. Il est aujourd'hui considéré comme un pilier de l'art moderne.
Un normand d'exception
Né à Blainville-Crevon, Marcel Duchamp passera une bonne partie de sa jeunesse à Rouen avant de s'installer à New-York en 1915 et c'est au cimetière monumental de Rouen qu'il repose désormais sous la célèbre épitaphe "D'ailleurs c'est toujours les autres qui meurent". Marcel Duchamp est issu d'une famille d'artistes : son grand-père Émile Nicolle est peintre et graveur et ses frères, Gaston connu sous le pseudonyme de Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon, s'adonnent respectivement à l'estampe et à la sculpture.
Les premières salles de l'exposition évoquent le foyer familial de l'artiste rassemblant des œuvres méconnues des membres de sa famille. Les premières œuvres de Duchamp, teintées d'érotisme, témoignent de la qualité de son coup de crayon, mais aussi d'un sens de l'humour omniprésent. On découvre par exemple un lien entre ses premiers dessins et sa couverture du catalogue de l'exposition surréaliste de 1947 dans laquelle il détourne l'injonction omniprésente dans les musées par sa "prière de toucher".
Humour et jeux d'ego
L'artiste se glisse dans la peau d'un vieillard dans son portrait de l'artiste à 85 ans alors qu'il en a 58 et, avec la complicité de Man Ray qui le photographie, Marcel Duchamp se grime en Rrose Sélavy, son double féminin. Il baptise cet alter ego d'un jeu de mots équivoque puisqu'on peut le comprendre ainsi "Eros est la vie". Le langage est en fait utilisé par l'artiste comme un véritable matériau, dans lequel il brille par sa créativité débridée, c'est ainsi que la Joconde fera l'objet de cette légendaire blague potache par l'usage de l'allographe "LHOOQ".
Il se fait une spécialité du détournement en signant un premier ready-made du nom de R.Mutt le fameux urinoir envoyé à l'Armory show présenté tête en bas. Il entame par ce biais une nouvelle pratique artistique donnant un nouveau statut à des objets issus du quotidien comme une pelle à neige, un porte-chapeau ou encore un peigne pour chien. Il pratique aussi la mise en abyme avec une urne dans laquelle il conserve le procès-verbal calciné et les cendres d'un cigare fumé le 15 mai 65 dans le cadre d'une réunion de l'association pour l'étude du mouvement Dada et va jusqu'à enfermer l'air de Paris dans une bombonne. L'humour fait partie intégrante de son œuvre.
Le hasard et la science
L'exposition témoigne aussi de son intérêt pour les sciences et de sa passion pour les échecs. Il utilise comme matériau le hasard en définissant de nouveaux étalons aux formes sinueuses faisant tomber trois fois de suite un fil d'un mètre de long au sol. Dans le même esprit, il tire également au sort des notes pour composer un Erratum musical. L'artiste s'intéresse aussi au mouvement et à la machine. Le corps est appréhendé comme une mécanique complexe dont témoigne son schéma technique relatant un combat de boxe.
Dans ses roto reliefs brevetés au concours Leperre, il étudie la science optique et explore ses effets en mettant en mouvement des disques de couleurs : des installations à expérimenter dans l'exposition. Élevé au rang de prophète après avoir annoncé la mort de la peinture, l'artiste explore de très nombreuses pistes nouvelles, utilisant comme matériaux l'humour et le langage pour définir un nouveau vocabulaire formel et élargir le champ de l'art. Cette exposition très abordable, permet donc d'approfondir nos connaissances sur un artiste trop souvent réduit à ses ready-made et de faire découvrir la richesse de sa pensée.
Pratique. Jusqu'au 24 septembre 2018 au Musée des Beaux-Arts de Rouen. 0 à 6€. mbarouen.fr
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