Ce lundi après-midi dans la capitale alsacienne, la température est de 35°, elle se ressent comme un cuisant 39°. Au soleil, comme à l'ombre, les corps suent et les gorges s'assèchent.
"Je dors avec les vitres baissées, mais ça m'inquiète... On n'est jamais à l'abri de bestioles ou d'un fou qui te veut du mal", explique cette ancienne femme de ménage de 58 ans, un chiffon humide étalé sur les jambes.
"J'ai mes trucs pour tenir la journée. Je vais à l'hypermarché chercher de l'eau dans les toilettes, profiter de la climatisation. Le reste du temps, on subit", dit-elle, résignée.
Dans le chargement des deux véhicules de l'organisation lancée par Coluche, qui sillonnent la ville une fois par semaine: de l'eau, du café, du pain et des produits d'hygiène, comme en hiver. Mais la soupe chaude a été remplacée par un gaspacho.
Le breuvage frais soulage Yanouche, quinquagénaire hongrois, qui engloutit 2 bols sur un matelas troué en centre-ville. Face aux 4 bénévoles des Restos, il pointe le soleil du doigt avant de s'éventer le visage avec la main pour demander du rab.
À côté de lui, un SDF aux cheveux gris comate, assommé par la température et le contenu violacé d'une bouteille en plastique à moitié pleine à ses pieds. Avachi contre un mur de béton, il refuse l'eau des bénévoles.
"Quand ils boivent de l'alcool et qu'ils ne boivent pas d'eau, le risque de déshydratation est encore plus grand. Mais on ne peut pas les obliger", explique Gaëlle, 32 ans, responsable adjointe des maraudes.
"L'été, c'est plus dur !"
Avec l'arrivée de la chaleur, les signalements au numéro d'urgence pour les sans-abri, le 115, diminuent, selon elle. Mais les sans-abri demeurent "très vulnérables".
"En juillet-août ils n'ont vraiment rien. Ils mangent ce qu'ils trouvent en fonction des associations qui tournent, mais il y en a beaucoup moins. Donc, c'est vraiment inimaginable", raconte cette comptable qui, en cours de route, fait le point avec le Samu social.
Pas de signalement d'urgence ce soir mais une vingtaine de personnes assoiffées attendent le véhicule des maraudeurs à la gare routière. Parmi eux, Stéphane, 31 ans, précipité dans la rue en avril, dort au plan d'eau du Baggersee, en banlieue, pour pouvoir se rafraîchir.
"Je n'ai pas connu l'hiver, mais je ne préférerais pas. L'été est assez dur comme ça, surtout pour ma compagne", explique-t-il en désignant une femme d'une trentaine d'années assise sur un banc un peu plus loin, enceinte.
"On est tous les deux abonnés à la médiathèque. Cela permet de passer la journée au frais", glisse le futur père de famille entre deux gorgées de café.
Pour résister, les habitués ont leur point de chute. Stefan, sans-abri roumain, installé sous un pont situé à quelques encablures du Conseil de l'Europe, profite d'une journée à l'ombre. Son thermomètre affiche 31°.
"L'épaisseur du béton protège du soleil. Les extrêmes sont un peu difficiles, le froid et la chaleur, mais quand même, nos voisins nous envient", philosophe-t-il.
"C'est en été que c'est le plus dur pour les gens de la rue", assure Jean-Luc Bailly, responsable du bus du coeur, qui sert de point de rendez-vous fixe en centre-ville et s'arrête de fonctionner un seul mois de l'année: en août.
"Il y a moins de bénévoles, moins de vigilance. Alors que la misère et les besoins sont aussi importants", regrette-t-il.
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