Depuis 2016, Julien Tuffery et son épouse Myriam, tous deux âgés de 32 ans et ingénieurs, ont misé sur la qualité et la relation directe pour relancer cette manufacture de jeans "made in Cévennes", créée en 1892 par Célestin, l'arrière grand-père de Julien.
"Le facteur-clef de réussite, c'était le mariage entre le savoir-faire ancestral et les codes modernes de communication et de commercialisation d'une start-up", résume Julien.
"Le web nous a permis de rompre l'isolement géographique que l'on a subi pendant des années: on a beau être au milieu de notre paradis vert cévenol, on a vendu des jeans dans 28 pays" en 2017, souligne le jeune chef d'entreprise.
Lorsque le jeune couple reprend l'entreprise familiale, la production est tombée à moins de 500 pièces par an alors qu'elle était à son apogée, dans les années 1960, de 500 par jour avec 40 couturières.
Les trois frères de la troisième génération ont sauvé le savoir-faire. Mais le vieil atelier, souligne Jean-Jacques, 70 ans, le père de Julien, "c'était Germinal, il faisait 2 degrés en hiver" et l'entreprise, touchée de plein fouet par les importations du Maghreb et d'Asie, était "vouée à disparaître".
Aujourd'hui "JJ" et ses frères transmettent un savoir-faire acquis depuis 50 ans, heureux de voir l'entreprise familiale "repartir sur de nouvelles bases".
En 2017, la maison Tuffery a vendu 7.000 pièces dont 80% sur internet, un nouvel atelier et un espace de vente confortables et spacieux ont été construits à Florac avec le soutien des collectivités territoriales et attirent de nombreux visiteurs. Au total, c'est environ un million d'euros qui ont été investis dans la relance.
Circuits courts
La manufacture "made in Cévennes" a également décroché le précieux label "entreprise du patrimoine vivant" (EPV) qui permet aux "derniers des Mohicans" de plusieurs secteurs de "se serrer les coudes", souligne Julien.
En 2018, l'Atelier Tuffery, qui emploie 12 personnes à temps plein, devrait produire plus de 10.000 jeans et peine à répondre à une demande exponentielle. La clientèle est essentiellement urbaine et parisienne mais aussi belge, suisse, luxembourgeoise ou japonaise. La plupart des jeans Tuffery se vendent entre 100 et 170 euros mais une pièce sur mesure peut atteindre 400 euros.
Quatre à cinq nouvelles embauches sont envisagées mais la formation de tailleurs-confectionneurs polyvalents est un frein: il faut environ un an avant de posséder les compétences requises.
"Personne ne forme à notre place et personne n'a les compétences jeans", souligne "JJ", qui évolue avec dextérité dans l'atelier, muni des grands ciseaux mythiques qu'il fait glisser sur de la toile brut de coton bio, de la toile selvedge ou des toiles mêlées de soie.
Jean-Jacques montre ainsi depuis un mois à Nicolas, menuisier de formation, le patronage, le tracé à blanc, la découpe des pièces qui ensuite passent aux ateliers montage et finition.
La toile denim ne vient plus de Nîmes depuis les années 1960 mais l'Atelier Tuffery est partisan des circuits les plus courts possibles et collabore avec quatre tisseurs - deux en France, un au Pays basque espagnol et un au nord de l'Italie.
Le jeune couple souhaite également développer des filières laine cévenole et chanvre d'Occitanie.
"On est dans une filière textile très mondialisée", explique Myriam. "La plupart des vêtements proviennent d'usines qui sont à l'autre bout de la terre et sont produits de manière pas très écologiques avec beaucoup de culture intensive de coton". Le couple de trentenaires veut "proposer des alternatives en recréant des filières de plus en plus locales".
L'atelier né au XIXe siècle a commercialisé récemment ses premiers jeans en chanvre grâce à un partenariat avec une coopérative du Lot.
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