Les motions de censure, qui entraînent la chute d'un gouvernement si elles sont adoptées, sont assez fréquentes en France: il y a en a eu plus de 100 depuis 1958. Mais c'est la première fois que l'opposition a recours à cette procédure depuis la victoire écrasante d'Emmanuel Macron en 2017. C'est également la première fois depuis 1980 que deux motions sont débattues simultanément.
Dans l'histoire, une seule motion de censure a été adoptée, en 1962, faisant chuter le gouvernement de Georges Pompidou. Celles qui seront débattues mardi à l'Assemblée nationale, chambre basse du Parlement français, n'ont aucune chance d'aboutir: LR (opposition de droite) ne réunit que 103 députés et la gauche 63, ne pouvant donc pas rassembler la majorité requise de 289 voix qui ferait chuter le gouvernement.
Mais là n'est pas le but poursuivi. Dans un mot d'ordre quasi identique face à une "crise institutionnelle", les deux motions veulent contraindre le gouvernement à "s'expliquer" et dénoncer un "verrouillage" empêchant "la vérité" d'émerger sur l'affaire Benalla, du nom de l'ancien collaborateur du président Macron, Alexandre Benalla, poursuivi pour violences contre des manifestants le 1er mai à Paris.
Ce même mardi, Christophe Castaner, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement et délégué général du parti présidentiel LREM, sera auditionné par la commission des lois du Sénat sur l'affaire Benalla.
La révélation de l'affaire est la plus grave crise politique que M. Macron essuie depuis son élection en 2017. Et elle ne montre aucun signe d'apaisement : lundi, la justice a ouvert une nouvelle enquête pour d'autres violences commises le 1er mai à Paris, quelques heures avant les heurts pour lesquels Alexandre Benalla a déjà été inculpé.
"Instrumentalisation politique"
Les deux motions de censure émanant de la droite et de la gauche - un fait exceptionnel - présentent une chance inespérée pour les oppositions de renaître de leurs cendres, après la victoire en 2017 des soutiens du président.
C'est le Premier ministre qui répondra aux discours des deux députés présentant les motions, dès 13h00 GMT : le premier du parti Les Républicains, pour celle de droite, et l'autre du Parti communiste pour celle de gauche.
Edouard Philippe "répondra factuellement et calmement, tout en tenant un discours offensif", indiquent ses services, selon qui "ce sera aussi l'occasion de souligner la vacuité de certaines polémiques".
Le pouvoir n'a eu de cesse de tenter de minimiser l'affaire Benalla, assurant qu'il ne s'agissait que d'une "dérive individuelle", et non pas d'"une affaire d'Etat", selon les mots de M. Philippe il y a une semaine.
Mais l'opposition entend faire feu de tout bois. Premiers à dégainer jeudi dernier, Les Républicains dénoncent dans leur motion "des manquements graves dans le fonctionnement de nos institutions (...) aux niveaux les plus élevés de l'Etat".
Leur patron à l'Assemblée nationale Christian Jacob juge que "le gouvernement a failli" face à une "dérive monarchique" du président, à qui il demande de "s'adresser solennellement aux Français".
Emmanuel Macron est sorti il y a une semaine de son silence, lançant que "le seul responsable de cette affaire, c'est moi et moi seul!". Depuis, il a évoqué une "tempête dans un verre d'eau", et cherche à tourner la page, alors qu'il recule dans plusieurs sondages.
Ses troupes ont dénoncé une "instrumentalisation politique" dans le but pour les détracteurs du président d'y trouver "l'antidote à leur coma profond". La motion de censure est une exagération, estiment ainsi les pro-Macron: "Tenter de faire tomber un gouvernement et des réformes parce qu'un chargé de mission (Alexandre Benalla, ndlr) a dérapé ?", a tweeté Gabriel Attal, le porte-parole de LREM, le parti présidentiel.
La motion ne va pas "tout régler" mais peut "au moins rétablir l'ordre républicain", selon Jean-Luc Mélenchon, leader de LFI (gauche radicale) qui avait été le premier à proposer la motion de censure. Olivier Faure, numéro un du Parti socialiste, y voit "une alerte" pour le gouvernement.
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