"Je crois que c'est une tempête dans un verre d'eau", a déclaré le chef de l'Etat jeudi, après avoir attaqué la veille les médias avec une dureté inhabituelle pour un président de la République, les accusant d'avoir "dit beaucoup de bêtises" sur cette affaire.
Dans une longue interview au Monde, M. Benalla, mis en examen pour avoir malmené et frappé deux manifestants le 1er mai, admet avoir "fait une grosse bêtise" et "commis une faute" à cette occasion. Mais il pointe aussi "une volonté d'atteindre le président de la République" à travers lui.
"Les faits, je les assume, je ne suis pas dans la théorie du complot, c'est la réalité", explique-t-il: "Sur ce qui s'est passé après, je suis beaucoup plus réservé. Il y avait en premier une volonté d'atteindre le président de la République, c'est sûr et certain. Et je suis le maillon faible, je le reconnais. Et en même temps, il y a énormément de gens qui se frottent les mains en se disant +Ca y est, on s'est débarrassé de lui, il ne va plus nous emmerder, c'est fini+".
"Les gens qui ont sorti cette information sont d'un niveau important (...) des politiques et des policiers", estime-t-il en précisant qu'il ne vise pas le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb.
Le chef de l'Etat, attendu au Pic du Midi, a saisi l'occasion d'un bain de foule à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), mercredi soir, pour répéter ses arguments sur "une affaire qui est triste mais qui est l'affaire d'un homme", son ex-collaborateur Alexandre Benalla, et pas une affaire d'Etat.
Comme mardi devant ses fidèles de la majorité, Emmanuel Macron a voulu tout assumer: sa "fierté" d'avoir embauché M. Benalla, un jeune homme "dévoué et qui avait un parcours différent"; sa déception face à "une faute réelle, grave", qu'il a considérée comme "une trahison"; enfin ses regrets devant les "réactions disproportionnées" depuis la révélation de l'affaire par Le Monde le 18 juillet.
"J'ai dit ce que j'avais à dire, c'est-à-dire que je crois que c'est une tempête dans un verre d'eau. Et pour beaucoup, c'est une tempête sous un crâne", a répété jeudi le président à une journaliste de l'AFP.
"Dérive monarchique"
Pour le président du Sénat Gérard Larcher (LR), ces déclarations impromptues ne valent pas réponse aux Français.
"Les Français sont préoccupés par le fonctionnement de nos institutions, par le fonctionnement même de l'Elysée et cette inquiétude, il appartient au président d'y répondre", a affirmé sur RTL ce poids lourd de la droite.
Le chef de file des députés LR, Christian Jacob, a lui aussi sommé à nouveau le président de "s'expliquer face aux Français".
Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, un très proche du président, a dénoncé une "convergence des oppositions" dans l'affaire Benalla, destinée selon lui à "bloquer la transformation du pays".
"Hier (mercredi) on a vu une image cocasse à l'issue de la commission d'enquête parlementaire: Mme Obono de La France insoumise et Mme Le Pen bras dessus, bras dessous pendant une conférence de presse", a dit M. Griveaux sur Europe 1 pour appuyer son propos.
Mais la posture bravache et le mode de communication adoptés par Emmanuel Macron après de longs jours de silence semblent avoir fourni un nouvel angle d'attaque aux oppositions. M. Larcher dénonce ainsi une "conception de l'exercice du pouvoir très solitaire" et M. Jacob "une dérive monarchique".
A gauche, le patron du PS Olivier Faure estime que "le pouvoir ment et fait mentir l'Etat", en évoquant des contradictions dans les multiples auditions à l'Assemblée et au Sénat.
Dernier responsable entendu en date, le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, répondait jeudi matin aux questions de la commission d'enquête du Sénat, présidée par Philippe Bas, l'un de ses lointains prédécesseurs à l'Elysée sous la présidence de Jacques Chirac.
Au cours d'échanges courtois, le bras droit du président a admis que la suspension d'Alexandre Benalla prononcée après le 1er mai pouvait "apparaître insuffisante", mais qu'elle était "proportionnée" lorsqu'elle a été prise au "regard des éléments connus le 2 mai".
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