"Le seul responsable de cette affaire, c'est moi". Silencieux depuis l'éclatement du scandale il y a une semaine et alors que la pression s'intensifiait pour qu'il s'explique, le président a pris la parole de manière imprévue à Paris mardi soir devant ses fidèles, gouvernement et majorité réunis.
"S'ils veulent un responsable, il est devant vous, qu'ils viennent le chercher", a lancé, bravache, le chef de l'Etat, que les députés de gauche veulent entendre mais dont l'audition au Parlement divise les constitutionnalistes.
Fustigeant "la République des fusibles", Emmanuel Macron a dit avoir ressenti comme "une trahison" les actes commis le 1er-Mai par son collaborateur Alexandre Benalla, mis en examen dimanche pour "violences" après avoir été sanctionné administrativement début mai.
Il a aussi balayé d'un revers de la main les "fadaises" concernant son chargé de mission et les avantages dont il bénéficierait. "Alexandre Benalla lui non plus n'a jamais été mon amant", a-t-il ironisé, comme il l'avait fait pendant la campagne présidentielle en se moquant des rumeurs sur sa "double vie avec Mathieu Gallet", alors PDG de Radio France.
"Noeud coulant"
Emmanuel Macron, qui se rend mercredi soir et jeudi dans les Hautes-Pyrenées, où il a des attaches familiales, a "commencé à desserrer le nœud coulant", commente pour l'AFP un spécialiste de la communication politique.
A l'Elysée, "il y a eu d'abord une phase de panique quand l'affaire a éclaté, d'où le silence" puis un retour de la parole présidentielle qui est "une reprise d'initiative", poursuit cette source qui demande l'anonymat, et note que le chef de l'Etat "a maîtrisé le temps".
La prise de parole du président, relayée par les ministres mercredi, n'a pourtant pas calmé les oppositions.
Les propos d'Emmanuel Macron ont été "très rassurants" a estimé la ministre de la Santé Agnès Buzyn, quand le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, fustigeait un "syndicat de copropriété qui n'accepte pas l'idée qu'Emmanuel Macron et son gouvernement aient bousculé le paysage politique".
Le président LR du Sénat, Gérard Larcher, a lui discerné "un peu d'amateurisme et de panique" dans la gestion de l'affaire par l'Élysée, demandant à Emmanuel Macron de "s'exprimer devant les Français" et pas "dans l'entre-soi" des élus d'En Marche.
Pour le député de la France insoumise Ugo Bernalicis, interrogé par l'AFPTV, "il ne suffit pas de dire +Je suis responsable+ mais je suis irresponsable. Parce que c'est quand même un peu ça qu'il nous raconte avec le +Qu'ils viennent me chercher+, parce qu'il est protégé par la Constitution, donc voilà une totale impunité".
"Tribunal populaire"
Philippe Bas, président LR de la commission des Lois du Sénat - et qui fut secrétaire général de l'Elysée à l'époque de Jacques Chirac -, a dénoncé lui "l'idée de minimiser les contre-pouvoirs" après qu'Emmanuel Macron s'en est également pris mardi soir à la presse, et aux pouvoirs judiciaire et législatif.
"Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité", a déclaré Emmanuel Macron, jugeant qu'il y avait aussi "un problème" de fonctionnement de la justice et fustigeant ceux qui veulent faire du Parlement "un tribunal populaire" et oublient "la séparation des pouvoirs".
La tension restait palpable mercredi à l'Assemblée nationale, où cette affaire a provoqué l'ajournement inédit du projet de réforme de la Constitution.
Le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a claqué la porte de la commission d'enquête sur l'affaire Benalla, dénonçant une "mascarade" et considérant qu'Emmanuel Macron, en s'exprimant devant "ses" députés, n'était "plus le président de la Nation".
Pour le député PS Luc Carvounas, "les dés sont pipés" à la commission d'enquête de l'Assemblée, où les deux co-rapporteurs Yaël Braun-Pivet (LREM) et Guillaume Larrivé (LR) se sont à nouveau querellés devant les caméras sur les auditions à mener.
La commission d'enquête de l'Assemblée poursuit mercredi ses auditions, en recevant des responsables de la sécurité de la présidence de la République tandis que celle du Sénat reçoit notamment les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie.
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