Lancé il y a quatre ans, le "Bus 26" fait étape tous les mois sur une place de village, la cour d'un vieux château ou en pleine nature, dans la campagne du Puy-de-Dôme et de l'Allier, au centre de la France. Avec à son bord, le chef Charles Moncouyoux, en bas aux fourneaux, et sa femme Mélina, qui s'occupe du service en salle à l'étage.
Le couple a fait ses gammes chez deux grands chefs de Haute-Loire: Régis Marcon, à Saint-Bonnet-le-Froid, trois étoiles au guide Michelin, puis Philippe Brun, un macaron à Alleyras.
Avant de se lancer dans la "bustronomie", ils envisagent de s'installer dans un restaurant en dur. Un dîner sur une péniche à Paris changera la donne. "On a adoré l'idée. Sauf qu'en Auvergne, c'est mission impossible. On a donc détourné l'idée sur la route", relate Charles Moncouyoux.
Ils dénichent un bus de tourisme à deux étages, avec déjà des kilomètres au compteur, et lui offrent une nouvelle vie. Montant de l'opération: 490.000 euros. L'habitacle est entièrement désossé et le toit rehaussé de 50 centimètres, "pour que cela devienne une véritable salle de restaurant".
Résultat: une capacité d'accueil de 26 couverts et un intérieur confortable et épuré, couleur bois, avec vue panoramique. Les tables comme les épais fauteuils gris sont amovibles et l'espace suffisant pour se sentir à l'aise.
Le bus est raccordé en électricité au poteau le plus proche et ses réserves d'eau permettent de tenir une journée, services de midi et du soir compris, avant son retour au local technique.
"Découvrir la grande cuisine"
Le concept de restaurant ambulant existe déjà mais ici, on n'avale pas de kilomètres en mangeant, pour "éviter le mal des transports". Autre inconvénient majeur des "croisières bustronomiques": "quand on roule, on ne peut pas cuisiner. C'était hors de question de faire du réchauffé", ajoute celui qui fut le commis du chef Serge Viera lors de sa victoire au concours de cuisine du Bocuse d'Or en 2005, "une expérience inoubliable".
Dans sa cuisine miniature de quatre mètres carré, où il ne tient pas partout debout, tout est rangé. Au millimètre près. "C'est un peu comme dans les conditions du Bocuse. Pas droit au bazar. Il faut sans cesse être ordonné, chaque espace compte", sourit le jeune chef de 33 ans, en apposant des pétales délicats sur des mises en bouches.
Dans les assiettes, "du 100% fait maison". Les préparations préliminaires, glaces et fonds de sauce, sont conçues dans un local technique par Aurélie, leur unique salariée.
La carte, volontairement réduite, change très régulièrement et met les produits locaux à l'honneur. "On travaille avec le maraîcher, le fromager et le boucher du coin, au maximum. C'est inutile d'aller loin alors que j'ai tout à proximité, et très souvent de qualité. L'idée, c'est aussi d'apporter une dynamique dans les villages où on s'arrête", souligne le restaurateur.
"Ça crée un peu d'animation", confirme Jacques Barbecot, maire de Pulvérières, où s'est installé provisoirement le bus, à 900 mètres d'altitude. "Ils permettent à des gens qui n'ont pas l'habitude d'aller dans des restaurants gastronomiques en ville de découvrir la grande cuisine", renchérit l'édile de cette commune rurale de 420 habitants.
Le bus n'attire pas seulement les locaux: 40% de la clientèle vient de loin, alléchée parfois depuis la Suisse, la Belgique et même l'Angleterre. Les réservations, ouvertes tous les 21 décembre, sont complètes un an à l'avance.
Devant un tel succès, pas question toutefois de développer une flotte de bus. "Sinon, je ne serai plus cuisinier", argue Charles Moncouyoux, qui prévoit de mettre fin prochainement à l'aventure. Le couple se laisse "deux ou trois ans", pour répondre aux demandes des communes d'Auvergne avant de lancer un autre concept, aussi "innovant et surprenant". Mais encore secret.
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