La commission des Lois de l'Assemblée nationale, dotée de prérogatives d'enquête, a entamé lundi ses auditions sur cette affaire qui met en cause un proche collaborateur du président. La commission des Lois du Sénat lui emboîte le pas mardi.
Mais les premières réponses apportées, notamment par le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, n'ont pas convaincu les oppositions qui somment Emmanuel Macron de s'expliquer en personne, Jean-Luc Mélenchon comme Benoît Hamon ou Pierre Laurent demandant même qu'il soit entendu par le Parlement.
Q: Une convocation du président par une commission d'enquête est-elle possible ?
Elle "n'aurait aucun sens", a jugé le président LREM de l'Assemblée, François de Rugy. "Le président de la République n'est pas responsable devant le Parlement, puisqu'il est élu par les Français, il est responsable devant les Français", a-t-il fait valoir.
"Tout s'y oppose", pour la présidente de la commission des Lois de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet (LREM), qui invoque "le principe majeur, sur lequel sont fondées nos institutions, de séparation des pouvoirs".
Même son de cloche au Sénat, où le président LR de la commission des Lois Philippe Bas a lui aussi fait valoir qu'une audition du chef de l'Etat contreviendrait au principe de "séparation des pouvoirs".
Le principe de séparation des pouvoirs est posé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, rappelle le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, qui y voit un premier motif s'opposant à la convocation du président.
La commission d'enquête ne "met pas en cause la responsabilité politique du président, c'est pourquoi il n'y a pas d'atteinte au principe de la séparation des pouvoirs", juge cependant un autre constitutionnaliste, Dominique Rousseau.
Q: Que dit la Constitution ?
Jean-Philippe Derosier invoque également dans un billet de blog deux autres motifs s'opposant "formellement" à ce que le président soit convoqué par une commission d'enquête, les articles 18 et 67 de la Constitution.
"Aucun article de la Constitution n'interdit la possibilité pour le président de la République d'être convoqué par la commission d'enquête", estime au contraire Dominique Rousseau. Et ce professeur de droit constitutionnel d'expliquer lundi sur franceinfo que "le fameux article 67 interdit que l'on convoque le président devant un juge ou devant une autorité administrative, or le Parlement n'est ni un juge ni une autorité administrative".
L'article 18 pose "la limitation constitutionnelle" des cas dans lesquels le président peut intervenir devant le Parlement.
Q: Le chef de l'Etat pourrait-il de lui-même proposer d'être entendu ?
"L'article 67 n'interdit pas au président de la République de témoigner mais d'être requis -donc contraint- de témoigner. Il peut donc s'il le souhaite ou l'accepte être entendu par une commission d'enquête comme par un juge ou une autorité administrative", estime sur son compte Twitter la professeur de droit public Anne Levade, présidente de l'Association française de droit constitutionnel.
Emmanuel Macron "pourrait accepter d'être entendu de sa propre initiative", acquiesce Didier Maus, président émérite de l'Association. "On pourrait aussi imaginer que le président reçoive la présidente de la commission et les rapporteurs à l'Elysée", a-t-il suggéré auprès de l'AFP.
Quant à l'article 18 de la Constitution, le président lui-même vient de demander qu'il soit amendé pour permettre au chef de l'État d'écouter les parlementaires et de leur répondre lors des Congrès.
Q: Que dit la jurisprudence ?
"Il y a un précédent, lors de l'affaire des avions renifleurs, la commission d'enquête avait demandé l'audition de (l'ex-) président Giscard d'Estaing. Et (l'ex-) président Giscard d'Estaing avait demandé à Mitterrand, qui était alors président de la République, s'il pouvait être auditionné. Et Mitterrand avait dit non", rappelle Dominique Rousseau.
Les commissions d'enquête en cours sur l'affaire Benalla ont à tout le moins prévu l'audition du cercle rapproché d'Emmanuel Macron, Alexis Kohler, secrétaire général de la présidence, et Patrick Strzoda, directeur de cabinet de l'Élysée.
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