Appelé à témoigner pendant plusieurs heures dans ce procès qu'il intente au géant agrochimique, cet Américain de 46 ans a expliqué devant un tribunal de San Francisco comment il a vaporisé pendant deux ans du RoundUp mais surtout du RangerPro, sa version professionnelle, plus puissante et à diluer dans de l'eau avant épandage.
Voix forte et volontaire, laissant même échapper quelques traits d'humour, ce père de deux enfants a longuement évoqué son cancer, un lymphome non-hodgkinien incurable diagnostiqué en 2014 qu'il attribue au glyphosate, substance chimique très controversée faisant l'objet d'études contradictoires sur sa dangerosité --en particulier son caractère possiblement cancérigène.
"Jamais"
Pour Monsanto, il n'y a aucun danger et donc aucune raison d'avertir d'un risque quelconque. Selon la défense de M. Johnson, au contraire, la firme a sciemment caché les risques possibles liés à ses produits et empêché toute étude scientifique fiable.
"Si vous aviez lu un avertissement (sur l'étiquette) concernant des risques de cancer, auriez-vous utilisé" le RangerPro?, lui a demandé l'un de ses avocats, David Dickens, bidon de RangerPro à la main.
"Je n'aurais jamais vaporisé du RangerPro dans des écoles ou où que ce soit", a répondu cet ancien responsable de la lutte contre les "nuisibles" (animaux ou végétaux) des écoles de la ville de Benicia.
M. Johnson était chargé de diluer du RangerPro dans de l'eau puis de vaporiser la solution (parfois 150 gallons --560 litres-- par jour) pour tuer les mauvaises herbes à l'aide d'un vaporisateur électrique et ce, y compris après avoir été diagnostiqué, a-t-il expliqué.
A deux reprises, M. Johnson a été largement aspergé de RangerPro et ses vêtements trempés de ce produit, suite à des dysfonctionnements des vaporisateurs, a-t-il continué, indiquant avoir fait des recherches sur internet puis décidé d'appeler deux fois la "hotline" Monsanto après le diagnostic, affolé par "la situation incontrôlable sur (sa) peau" où se multipliaient des lésions très douloureuses.
"J'avais été exposé au RangerPro et je pensais que ça pouvait en être la cause", a encore dit Dewayne Johnson, affirmant que malgré deux appels et des promesses en ce sens, personne chez Monsanto ne l'a jamais rappelé.
Même si Monsanto n'avait parlé que de risques éventuels de cancer, il aurait cessé de l'utiliser, a-t-il martelé.
Interrogé par son avocat sur les souffrances physiques et morales liées à son cancer, M. Johnson a affirmé que le procès l'avait sorti d'une forme de déni. "Je sais que je ne vais pas aller mieux", a-t-il dit, promettant néanmoins de "se battre jusqu'à son dernier souffle".
Prudente devant ce témoignage poignant, la défense de Monsanto a procédé à un très court contre-interrogatoire, se concentrant pour l'essentiel sur sa ligne de défense habituelle.
Qu'ont dit les médecins à M. Johnson?, lui a ainsi demandé Sandra Edwards, l'un des conseils de la firme.
"Ils ont tous dit la même chose: qu'il n'y avait pas de preuve scientifique sur ce qui cause" ce type de cancer, a répondu M. Johnson, ajoutant qu'il avait "une peau parfaite" avant d'être exposé au glyphosate.
"Mon monde s'est effondré"
Avant le diagnostic, "on n'avait pas de soucis, pas de stress, la vie était belle", avait témoigné peu avant son épouse Araceli, contrainte désormais de travailler 14 heures par jour et d'avoir deux emplois pour "aider avec les factures".
Quand elle a appris la maladie, son monde "s'est effondré". "Je ne voulais pas y croire", a-t-elle raconté à la barre, sourire inquiet et voix faible, contenant parfois ses larmes.
La défense de M. Johnson espère obtenir de cette procédure civile des millions de dollars de dommages et intérêts de la part de Monsanto, qui fait l'objet de milliers de procédures en justice aux Etats-Unis.
Contrairement à l'agence fédérale américaine de protection de l'environnement (EPA), la Californie, où se trouve San Francisco, a placé le glyphosate sur la liste des produits cancérigènes.
Le glyphosate est aussi classé "cancérigène probable" depuis 2015 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais pas par les agences européennes, l'Efsa (sécurité des aliments) et l'Echa (produits chimiques).
Plébiscité par les cultivateurs pour son efficacité et son faible coût, il fait particulièrement polémique en Europe et notamment en France.
Le procès devrait durer au moins jusqu'au mois d'août.
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