Le chef de l'État, qui fait face à la plus grave crise de son pouvoir depuis son élection en 2017, reste silencieux dans la tempête politique et médiatique qui balaye le pays, l'opposition se montrant extrêmement remontée contre le gouvernement.
Deux hauts responsables, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb et le préfet de police de Paris Michel Delpuech, ont été entendus lundi sous serment par des députés et se sont défaussés sur les membres du cabinet d'Emmanuel Macron de la gestion du cas d'Alexandre Benalla, ce proche du chef de l'État, aujourd'hui licencié, filmé le 1er mai en train de molester des manifestants à Paris, arborant un brassard "police" auquel il n'a pas droit.
"Je me suis assuré que le directeur de cabinet de la présidence, employeur de M. Benalla, avait été informé de la situation et que celle-ci était prise en compte", a déclaré Gérard Collomb, un des poids lourds du gouvernement et soutien de la première heure de M. Macron, devant une commission d'enquête parlementaire.
Michel Delpuech a déclaré devant la même commission que, pour lui aussi, "le sujet Benalla était traité par l'autorité hiérarchique dont il dépendait", donc la présidence de la République.
Le 1er mai à Paris, Alexandre Benalla, chargé de la sécurité du président Macron, s'en est pris violemment à des manifestants tandis qu'il était présent en tant qu'observateur dans le dispositif policier. La présidence, informé dès le lendemain, l'a mis à pied pour deux semaines sans pour autant prévenir les autorités judiciaires de ces violences illégitimes.
L'ensemble de l'opposition est très virulente, demandant plus d'explications, soupçonnant le pouvoir d'avoir voulu couvrir un proche du président, voire dénonçant sa volonté de mettre en place une sorte de police parallèle aux vues des prérogatives étendues de M. Benalla, qui n'était que conseiller en charge de la sécurité.
Deux proches collaborateurs du président, son directeur de cabinet Patrick Strozda, et le secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler, véritable bras droit du chef de l'État, se retrouvent maintenant en première ligne. M. Strozda sera entendu sous serment mercredi et M. Kohler jeudi.
Ils seront sans doute interrogés de manière détaillée sur le déroulé des faits survenus après la découverte de la vidéo du 1er mai -- qui a décidé quoi ? qui savait quoi ? -- et sur les missions exactes de M. Benalla, qui semblaient très larges pour un simple collaborateur, et sur lesquelles MM. Collomb et Delpuech ont laissé entendre qu'ils étaient peu informés.
"Utilisation médiatique et politique"
Emmanuel Macron lui reste muet. Il s'est contenté de faire savoir dimanche via son entourage qu'il considérait les faits reprochés à son ex-collaborateur, qui l'accompagnait dans sa vie publique et privée, comme "inacceptables" et qu'il n'y aurait "pas d'impunité".
Le président a par ailleurs annoncé qu'il n'assisterait pas à une étape du Tour de France mercredi dans les Pyrénées (Sud-Ouest). "Rien à voir" avec l'affaire Benalla, a affirmé son entourage.
L'homme par qui la tempête est arrivée, Alexandre Benalla, 26 ans, est lui en revanche sorti lundi de son silence, par la voix de ses avocats. Il dénonce "l'utilisation médiatique et politique" de son intervention musclée du 1er mai, qu'il a justifiée par la volonté de "prêter main forte" aux policiers face aux manifestants.
"Cette initiative personnelle", selon lui, "sert manifestement aujourd'hui à porter atteinte à la présidence de la République dans des conditions qui défient l'entendement".
M. Benalla a été mis en examen (inculpé) dimanche soir, notamment pour violence en réunion. Quatre autres personnes sont pour l'instant inculpées dans ce dossier.
En attendant, la vie institutionnelle française est bouleversée par cette affaire, à tel point que l'examen parlementaire de la révision constitutionnelle, suspendu dimanche par la ministre de la Justice vu la paralysie due à l'affaire Benalla, reprendra à la rentrée seulement.
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