Selon cet article 40, "toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République". Mais le Code ne prévoit toutefois aucune sanction pénale en cas de manquement à cette obligation.
Cet article a été au coeur de l'audition lundi de Gérard Collomb par la Commission des lois de l'Assemblée nationale: le ministre a été sommé d'expliquer pourquoi il n'a pas saisi la justice après avoir pris connaissance de la vidéo sur laquelle on voit Alexandre Benalla, un proche collaborateur d'Emmanuel Macron, frapper des manifestants le 1er mai à Paris.
Gérard Collomb a raconté avoir été informé le lendemain des faits de l'existence de la vidéo. Mais pour lui, "il n'appartient pas au ministre de l'Intérieur de transmettre au procureur des signalements sur le fondement de l'article 40 à chaque fois qu'il a connaissance de la commission d'une infraction pénale".
"J'ai connaissance quotidiennement de suspicions ou de commissions d'infractions pénales. Ce n'est pas mon rôle de saisir chaque procureur individuellement", a-t-il précisé.
Il a expliqué s'inscrire "dans la lignée de (ses) prédécesseurs qui n'ont pour la plupart utilisé (l'article 40) que pour des délits relatifs à la loi sur la liberté de la presse". Il aurait saisi la justice une seule fois au titre de l'article 40, pour le cas d'un rappeur appelant au meurtre d'un policier.
Dans l'affaire Benalla, il renvoie la balle à d'autres responsables. "Les articles 40, c'est au niveau hiérarchique, c'est à celui qui a le plus connaissance des faits, qu'il appartient de les prendre", a-t-il déclaré.
Le 2 mai, "je m'étais assuré que tant le cabinet du président de la République que le préfet de police avaient été destinataires de l'information. Je pensais que les mesures appropriées avaient été prises. C'était à eux de prendre les sanctions et éventuellement d'informer les autorités judiciaires", a martelé Gérard Collomb.
Sanction pénale
La réponse du préfet de police Michel Delpuech n'a pas tardé, devant la même commission: "On renvoie généralement à l'autorité qui a la responsabilité hiérarchique", s'est-il défendu. "A l'heure où je suis informé, il y a pas mal de personnes informées aussi. (...) La liste serait longue, s'il fallait dresser, quelques jours après, le nom des autorités qui auraient pu faire usage de l'article 40".
Gérard Collomb n'a pas convaincu les syndicats de magistrat. "Il aurait pu s'assurer auprès du préfet de police que l'avis au parquet avait effectivement été fait", a réagi auprès de l'AFP Jacky Coulon, secrétaire national de l'USM (Union syndicale des magistrats, majoritaire). "Rien ne l'empêchait de dire au préfet de police: est-ce-que le procureur a été avisé?", ajoute-t-il.
"Le ministre de l'Intérieur est concerné par l'article 40 comme les autres autorités constituées", souligne Vincent Charmoillaux, secrétaire national du SM (Syndicat de la magistrature, gauche). "L'article 40 n'est pas alternatif. Ils avaient tous l'obligation de le dénoncer. On ne peut pas se dire: + Lui va le faire, donc moi je ne le fais pas +", renchérit-il.
Jacky Coulon se félicite que la justice ait "été rapide", après les révélations du Monde, mercredi soir, sur l'identité de l'homme dans la vidéo. Le parquet a pris jeudi l'initiative d'ouvrir une enquête.
L'USM déplore qu'il n'y ait pas de sanction. Pour ce syndicat, "si le fait de ne pas observer l'obligation de saisine de la justice constituait une infraction, cela justifierait ici une enquête pour déterminer qui a omis de faire cette révélation".
Ce syndicat "avait demandé en 2016 que la violation de l'article 40 soit sanctionnée pénalement mais nous n'avions pas été suivis", regrette Jacky Coulon. "Nous estimons aujourd'hui que ce serait l'occasion de le faire, avec une réforme du statut du parquet, pour redonner confiance dans nos institutions".
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