Les vidéos montrant Alexandre Benalla, un proche collaborateur du chef de l'État, en train de frapper et malmener deux manifestants le 1er mai à Paris alors qu'il accompagnait les forces de l'ordre en tant qu'"observateur" (mais avec brassard et casque de policier), ne cessent d'avoir des répercussions politiques, allant jusqu'à paralyser l'Assemblée.
Emmanuel Macron a promis la "vérité" sur ce dossier, en espérant éteindre la plus grave crise politique de son quinquennat.
Entendu pendant près de deux heures et demie par la commission des Lois de l'Assemblée dotée de prérogatives d'enquête, le ministre de l'Intérieur, appelé à la démission par des personnalités de droite comme de gauche, s'est défendu vigoureusement sous un feu nourri des questions des députés.
Gérard Collomb a affirmé avoir été informé le lendemain des faits par son cabinet de l'existence de la vidéo sur laquelle on voit Alexandre Benalla frapper et malmener deux manifestants en présence d'un employé de La République en marche (LREM), Vincent Crase, lui aussi "observateur".
Mais il a estimé que ce n'était pas à lui de saisir la justice de ces actes qu'il a de nouveau condamnés "avec la plus grande fermeté".
"Ce n'est pas au ministre qu'il appartient de le faire. (...) Je considère que c'est à ceux qui sont en responsabilité dans leurs administrations, au plus près du terrain, de recueillir les éléments permettant de justifier la transmission d'un signalement au titre de l'article 40" du Code de procédure pénale, a-t-il déclaré.
Le 2 mai, "je m'étais assuré que tant le cabinet du président de la République que le préfet de police avaient été destinataires de l'information. Je pensais, comme c'est la règle, que les mesures appropriées avaient été prises. C'était à eux de prendre les sanctions et éventuellement d'informer les autorités judiciaires", a souligné Gérard Collomb, affirmant en outre n'avoir "jamais été informé" en amont de la présence des deux observateurs place de la Contrescarpe (Ve arrondissement) où la vidéo a été tournée.
"C'est après que j'ai pris connaissance de l'information donnée par Le Monde (le 18 juillet) que j'ai demandé à mon directeur de cabinet de saisir l'IGPN, celle-ci a été effective dès le lendemain", a-t-il déclaré, précisant avoir "élargi" cette saisine après la mise en cause de trois policiers.
En outre, le ministre a contesté connaître Alexandre Benalla, dont il ignorait les fonctions à l'Élysée, même s'il l'a forcément "croisé" lors de la campagne électorale d'Emmanuel Macron où il était chargé de la sécurité du candidat. Il n'a "évidemment" jamais été question que ce réserviste de la gendarmerie prenne la tête d'une future Direction de la sécurité de la présidence de la République, a-t-il assuré.
Le préfet de police Michel Delpuech, dont la position paraissait très fragilisée après cette audition, devait lui-même être entendu dans le même cadre à partir de 14H00.
Le ministre de l'Intérieur sera mardi devant la commission d'enquête sénatoriale, qui pourrait également entendre mercredi, selon des sources parlementaires, le directeur de cabinet du président de la République Patrick Strzoda, également sur la sellette.
"Rien vu", "rien dit"
"On a bien compris la stratégie qui est celle du ministre de l'Intérieur: se sauver, quitte à renvoyer la responsabilité vers le préfet de police et le directeur de cabinet du président de la République, comme si ceux-là n'avaient eux-mêmes aucune espèce d'autorité hiérarchique" au-dessus d'eux, a réagi devant la presse le porte-parole du Parti socialiste, Boris Vallaud.
La sénatrice écologiste Esther Benbassa a ironisé sur Twitter sur le "bilan de cette première audition": "Je n'ai rien vu, on ne m'a rien dit, demandez à l'Élysée, au préfet, moi, Benalla, connais pas".
Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux avait assuré un peu plus tôt que le président de la République était "extrêmement déterminé à ce que la vérité puisse être établie". Critiqué pour son mutisme voire son inaction dans ce dossier, le chef de l'État a annulé son déplacement mercredi sur le Tour de France, a annoncé l'Élysée à la mi-journée, expliquant que le Premier ministre Édouard Philippe avait déjà assisté la semaine dernière à une étape du Tour.
Dimanche soir, son entourage avait fait savoir qu'Emmanuel Macron jugeait "inacceptables" les faits reprochés à Alexandre Benalla tout en promettant qu'il n'y aurait "pas d'impunité".
Ce chargé de mission à la présidence de la République âgé de 26 ans - dont le licenciement a été annoncé vendredi -, le salarié de LREM Vincent Crase et trois hauts gradés de la police soupçonnés d'avoir transmis au conseiller de l'Élysée des images de vidéosurveillance de l'incident ont été mis en examen dimanche soir: les deux premiers notamment pour "violences en réunion" et les trois policiers pour "violation du secret professionnel" et "détournement d'images issues d'un système de vidéoprotection".
Le chef de l'État a demandé au secrétaire général de l'Élysée Alexis Kohler de "mener la réorganisation pour éviter qu'un tel dysfonctionnement se reproduise".
Parallèlement à l'enquête parlementaire, une enquête administrative a été confiée à la "police des polices" qui devrait remettre son rapport "à la fin de cette semaine", selon le président de l'Assemblée nationale François de Rugy.
Sur le plan judiciaire, en plus d'être mis en examen, Alexandre Benalla et Vincent Crase ont été soumis à un contrôle judiciaire qui leur interdit d'exercer une fonction publique ou une mission de service public, de détenir une arme et d'entrer en contact avec d'autres protagonistes de l'affaire.
L'affaire a bouleversé l'agenda politique et paralysé l'Assemblée: l'examen de la révision constitutionnelle a dû être suspendu jusqu'à nouvel ordre face au chaos provoqué dans l'hémicycle par ce scandale.
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