L'hémicycle était en état de "siège" depuis les révélations sur l'ex-collaborateur du chef de l'Etat, selon les termes d'une élue LREM. L'air grave, la garde des Sceaux Nicole Belloubet a annoncé en fin de matinée la suspension des travaux et souhaité que l'examen de la révision, qui en était à son onzième jour d'affilée, reprenne "ultérieurement dans des conditions plus sereines".
Une décision qui a été applaudie par des députés de tous bords avant la levée de la séance, alors que depuis la matinée, les "rappels au règlement" s'étaient à nouveau succédé, atteignant depuis jeudi le nombre record de 298.
L'opposition plaidait depuis près de trois jours qu'il était impossible de débattre d'un tel texte constitutionnel "au milieu de cette crise profonde". Et d'accuser le gouvernement d'être "en pleine déroute" (Christian Jacob, LR), la majorité de prendre les élus "pour des gamins de quatre ans" (Marine Le Pen, RN), ou de laisser les Français "sidérés" (Christine Pirès-Beaune, PS).
"Maintenant ça suffit, vous êtes en boucle", leur avait répliqué dans la matinée la "marcheuse" Coralie Dubost, une autre élue évoquant un "Muppet show". Marc Fesneau (MoDem) dénonçait une "forme de chienlit" et Richard Ferrand (LREM) des "outrances".
La majorité, après une réunion à huis clos samedi soir, avait affiché pour mot d'ordre de "ne pas lâcher". "Ils nous font chier, donc on les fait chier aussi", avait glissé un ténor.
"Au congélateur"
Mais il fallait "mettre fin au cirque", a affirmé une source dans la majorité, au vu de la situation inédite de blocage "de tous les groupes d'opposition".
Tous rejettent les trois volets de la réforme des institutions (constitutionnel, loi organique et ordinaire), qui prévoit notamment une réduction du nombre de parlementaires et une dose de proportionnelle de 15%.
Dénonçant "une hyper-présidentialisation", plusieurs ont trouvé dans l'affaire Benalla un argument supplémentaire pour repousser un texte qui "affaiblit le Parlement", le socialiste Olivier Faure y voyant l'illustration du "danger de laisser un exécutif tout puissant".
Jean-Luc Mélenchon (LFI) s'est félicité sur Twitter de cette mise "au congélateur" du texte, fustigeant les "Pieds nickelés" de la "macronie".
Et déjà, des voix s'élèvent pour réclamer un retrait pur et simple de la réforme.
Pierre Dharréville, porte-parole des députés communistes, ne voit pas ce qui pourrait justifier "un nouvel accroissement des pouvoirs du président".
La réforme est désormais "nulle et non avenue", affirme Sébastien Huyghe (LR).
Dans un communiqué, le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau a, lui, appelé le gouvernement "à revoir sa copie", en estimant qu'Emmanuel Macron "ne peut plus décemment" défendre un tel projet, qui était censé arriver au Palais du Luxembourg en septembre.
Dans les couloirs, la majorité refusait de concéder le point aux oppositions. Elles sont "privées de quelque victoire que ce soit par l'excès de leurs positions, leurs excès de langages", a affirmé à l'AFP Gilles Le Gendre (LREM).
Mais quid du calendrier parlementaire ? Un "brouillard assez dense" règne, constate-t-on dans la majorité.
Lundi, après l'audition de Gérard Collomb le matin par la commission des Lois, dotée des prérogatives d'enquête, les débats doivent reprendre à 16H00, sur le projet de loi "avenir professionnel". En principe, le texte asile-immigration, porté par M. Collomb, est aussi au menu à compter de mercredi.
M. de Rugy doit consulter les présidents de groupe et le gouvernement pour organiser les débats "des deux prochaines semaines", soit d'ici la pause estivale.
Quant à la réforme, Mme Belloubet a assuré que le gouvernement serait "toujours là pour défendre notre Constitution et la faire évoluer", le président de l'Assemblée François de Rugy (LREM) promettant aussi de tout faire pour qu'elle "aboutisse".
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