"Nous sommes indignés, nous dénonçons de nouveau les politiques menées en Méditerranée centrale, pas seulement par un gouvernement mais par plusieurs. Les difficultés que nous avons eues pour sauver une seule vie sont incroyables", a dénoncé le directeur de l'ONG Oscar Camps lors d'une conférence de presse à Palma de Majorque, port des Baléares où ont accosté plus tôt dans la matinée les deux bateaux de l'organisation.
L'Open Arms, accompagné du voilier Astral, transportait les corps d'une femme et d'un petit garçon récupérés mardi au large de la Libye, ainsi que la survivante du naufrage, une Camerounaise de 40 ans prénommée Josepha, retrouvée en hypothermie par les sauveteurs.
Elle a été prise en charge par la Croix-Rouge espagnole, tandis que les deux corps ont été emmenés par un corbillard.
"Etat de choc"
Pendant ce temps, les membres de l'ONG se sont immédiatement rendus au tribunal de Palma, capitale de l'archipel.
Ils y ont porté plainte pour non-assistance à personne en danger et homicide involontaire contre le capitaine du Triades, le cargo battant pavillon panaméen qui a le premier repéré les migrants et averti les garde-côtes libyens, sans finalement porter secours aux naufragés.
"Nous allons également le faire contre le capitaine du patrouilleur libyen membre des garde-côtes, et contre toute autre personne ayant pu participer aux événements par action ou par omission", a expliqué Oscar Camps.
Il envisage également de déposer une plainte contre les garde-côtes italiens "qui auront quelque chose à dire sur ce qui s'est produit à 80-90 miles de leurs côtes, pratiquement à la même distance que la Libye".
L'ONG espère que le tribunal espagnol de l'Audience nationale, chargé des affaires les plus complexes, pourra se saisir de l'enquête. Elle a demandé au parquet de "protéger Josepha, car c'est la seule survivante", a ajouté M. Camps, expliquant qu'elle était encore "en état de choc".
Proactiva Open Arms avait expliqué cette semaine avoir choisi de débarquer la survivante en Espagne pour qu'elle puisse garder "son entière liberté pour témoigner", alors même que l'Italie s'était dite disposée à la faire débarquer -- mais pas les corps -- à Catane (Sicile).
L'ONG affirme que les garde-côtes libyens ont abandonné à leur sort les deux femmes et le petit garçon, après avoir secouru les autres migrants à bord du canot. L'embarcation portait les traces des coups de couteau des secouristes qui détruisent toujours les embarcations afin qu'elles ne soient pas réutilisées.
Les Libyens ont expliqué avoir secouru 165 migrants sur un canot dans la même zone dans la nuit de lundi à mardi, mais démentent avoir laissé quiconque à bord, tout en rappelant leur manque de moyens, en particulier pour les opérations de nuit.
"Silence complice"
Les membres de l'opération de l'Open Arms s'en sont durement pris aux autorités italiennes.
"Le gouvernement italien, avec le silence complice de l'Europe, finance des milices, des trafiquants, des groupes criminels qui se sont organisés pour former ce qu'ils appellent les garde-côtes libyens" a critiqué le député italien Erasmo Palazzotto, du parti du gauche Liberi e Uguali (Libres et Egaux), soulignant qu'"aujourd'hui, il n'y pas d'autorités qui contrôlent quoi que ce soit en Libye".
"Tout le monde exige une réponse pour savoir ce qui s'est passé", a complété la star du basket espagnol Marc Gasol, qui participait à la mission au sauvetage.
"Je suis désolé, mais Open Arms se trompe de cible. L'Italie est un exemple en Méditerranée pour son humanité et l'efficacité des secours. (...) Les polémiques instrumentalisées ne nous intéressent pas, il s'agit de travailler pour éviter les morts en mer", a rétorqué Danilo Toninelli, figure du mouvement populiste M5S et ministre des Transports qui a les garde-côtes en tutelle.
En mars, l'Open Arms avait été maintenu sous séquestre pendant un mois en Sicile, sur des accusations d'aide à l'immigration clandestine. Son capitaine Marc Reig a indiqué que le navire repartirait au large de la Libye dès que possible pour reprendre sa mission, sans doute "dès dimanche".
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