Sauvée de l'extinction grâce à des programmes de reproduction menés par des zoos à travers le monde, cette espèce est actuellement réintroduite avec prudence dans une réserve faunique en Mongolie.
Mais, confinées dans des caisses en bois, les sœurs finlandaises Helmi et Hanna, ainsi que les juments allemande Spes et suisse Yanja, ne semblent pas apprécier ce périple.
Le zoo de Prague, qui élève des chevaux de Przewalski depuis 1932 et tient le livre généalogique mondial de l'espèce, a lancé son projet de réintroduction en Mongolie en 2011.
"Le voyage en avion est l'étape la plus difficile", explique à l'AFP le vétérinaire en chef du projet, Roman Vodicka, en s'efforçant de couvrir le bourdonnement continu du bimoteur à hélices.
"Il arrive que le cheval fasse un faux pas, qu'il reste coincé ou se couche, ce qui risque d'arrêter la circulation sanguine dans les jambes. Si cela se produit lors du déplacement à bord d'un camion, nous pouvons le relâcher pour qu'il dégourdisse ses jambes dans la nature, mais c'est bien sûr impossible dans l'avion", sourit-il.
Les quatre juments trapues, robe sable brun et jambes courtes, vont bientôt rejoindre les troupeaux de Takhin Tal, la "steppe des chevaux sauvages", leur terre d'origine où quelque 220 chevaux de Przewalski savourent déjà leur liberté.
C'est là que le dernier survivant sauvage avait été aperçu en 1969. Depuis, l'espèce n'a été perpétuée que grâce aux animaux des zoos.
"Ces juments ont une chance que d'autres n'auront pas. Elles retournent chez elles", explique Jan Marek, responsable du zoo pragois en charge des ongulés.
Sifflets et foin
Mais pour le moment, elle sont agitées, après une journée bien remplie qui a commencé très tôt le matin, dans un centre d'acclimatation au sud de Prague.
Anesthésiées, elles ont subi différents tests et traitements, avant d'être enfermées dans des caisses et transportées par camion vers une base aérienne militaire dans la banlieue de Prague.
Les spécialistes du zoo les surveillent tout au long du voyage. Ils essaient de les calmer, par des sifflements et grâce au foin notamment, alors que la température à l'intérieur de l'appareil est comprise entre 15 et 19 degrés.
Après l'atterrissage, à Bulgan Sum dans l'ouest de la Mongolie, les juments voyagent en camion sur des routes cahoteuses jusqu'à la réserve reculée de Takhin Tal. C'est là qu'elles peuvent finalement galoper à l'intérieur d'un enclos.
Au printemps prochain, elles seront relâchées dans la nature pour rejoindre un étalon solitaire ou un harem, un groupe d'une douzaine de chevaux à Takhin Tal, dans la zone protégée de Grand Gobi B qui s'étend sur plus de 9.000 km2.
"L'organisation du harem est une très belle structure sociale, au sein de laquelle chacun a son rôle à jouer", a indiqué à l'AFP Ganbaatar Oyunsaikhan, directeur de Gobi B.
"Dzud"
Le zoo de Prague a jusqu'ici réintroduit dans la nature sauvage mongole 31 chevaux de Przewalski, un projet lancé par son directeur Miroslav Bobek mais dont le financement est assuré par des zoos du monde entier.
"J'ai pris cette décision après le +dzud+ de 2009-2010 qui a réduit le nombre de chevaux locaux de deux tiers, à une cinquantaine", explique M. Bobek.
Le "dzud" est un hiver particulièrement enneigé en Mongolie, pendant lequel les animaux n'arrivent pas à trouver leur nourriture à travers la neige.
Les Européens n'ont fait la connaissance du cheval de Przewalski qu'à la fin du XIXe siècle, grâce à l'explorateur et géographe russe Nikolaï Mikhaïlovitch Przewalski (1839-1888) qui l'a découvert dans des montagnes bordant le désert de Gobi.
Sa population actuelle est forte de quelque 2.400 chevaux dont quelque 800 vivent en liberté. "Tous les chevaux de Przewalski actuels descendent d'un groupe génétiquement restreint d'une dizaine d'animaux reproducteurs", dit M. Bobek.
- Améliorer la diversité génétique -
Les zoologistes espèrent que les quatre nouvelles juments venues de zoos différents vont améliorer la diversité génétique du troupeau mongol.
"Si nous faisions venir ici uniquement des chevaux tchèques, ce serait le même sang. Nous essayons de créer une population aussi diversifiée que possible", explique Jan Marek.
Une étude publiée en février dans la prestigieuse revue Science par une équipe internationale de chercheurs a révélé que cet équidé, qui a jadis inspiré des peintures rupestres d'artistes préhistoriques, n'est pas le seul cheval encore sauvage dans le monde comme on le pensait: il a pour ancêtre des animaux domestiqués, dont quelques-uns se sont échappés dans la région de Botaï, au nord de l'actuel Kazakhstan, il y a quelque 5.500 ans.
Mais "de toute façon, l'unicité du cheval de Przewalski est évidente", dit Miroslav Bobek. "Et nous continuerons notre effort".
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