Le film tente de retracer un des principaux drames de la ville qui a accueilli les jeux Olympiques il y a deux ans: l'échec de la politique de "pacification" des favelas par le biais d'une police de proximité.
Le lieu de tournage n'a pas été choisi par hasard. La favela de Tavares Bastos, zone populaire nichée dans une colline surplombant le quartier de classe moyenne Catete, est une des seules de Rio où les trafiquants ne déambulent pas avec des fusils d'assaut longs comme le bras.
Et pour cause: au sommet se trouve le quartier général du Bataillon d'Opérations spéciales (Bope), police d'élite redoutée pour ses incursions musclées.
"C'est la seule favela dans laquelle on peut tourner sans devoir obtenir l'accord de trafiquants. Si on n'était pas venu ici, on aurait dû tout filmer en studio", révèle le réalisateur Caio Cobra.
Sujet délicat
Les habitants sont à peine dérangés par les caméras, leur favela ayant servi de décor à de nombreux longs-métrages ou séries ces dernières années.
"Quand on parle de violence, on ne montre pas Brasilia (la capitale politique du Brésil) où sont tous les vrais bandits qui ont causé tout ça. On ne parle que du résultat final, de nous, en fait", déplore Cesar Machado, habitant de 66 ans qui observe de loin le tournage en sortant de la boulangerie.
Le scénariste du film est Rodrigo Pimentel, ex-capitaine du Bope qui déjà signé "Troupe d'élite", grand succès de billetterie en 2007 qui racontait de façon assez crue le quotidien de ces policiers pas comme les autres.
Cette fois, il s'attaque aux Unités de Police Pacificatrice (UPP), créées en 2008 pour tenter de juguler la violence en amont du Mondial-2014 et des JO-2016. La stratégie consistait à occuper le terrain avec une police de proximité pour éloigner les trafiquants et renouer le lien avec les habitants.
Comme dans "Troupe d'élite", l'histoire est racontée du point de vue des policiers. L'héroïne est une jeune policière qui s'engage dans le projet à corps perdu, avant de voir son rêve s'effondrer dans un Rio miné par la crise économique et les scandales de corruption.
"Ce film parle du moment actuel de Rio, après toutes les attentes créées par le Mondial et les JO. Aujourd'hui, tous les jours, les journaux parlent d'habitants de favelas tués par balle, de policier morts. J'ai senti qu'il était urgent et nécessaire que le cinéma brésilien raconte ce drame", affirme le Rodrigo Pimentel.
Cinq policiers ont travaillé comme consultants pour le film et certains ont même obtenu un petit rôle.
"Le policier est aussi une victime de la violence, mais sa version a toujours été dédaignée, voire occultée par le cinéma", souligne le scénariste.
Le thème est particulièrement délicat, dans un Etat de Rio en proie à une escalade de la violence, avec près de 6.500 meurtres recensés en 2017, et une police qui manque de moyens pour combattre le crime organisé et dont les salaires sont souvent payés avec des mois de retard.
Les policiers de Rio sont ceux qui meurent le plus au Brésil (plus de 130 victimes en 2017), mais aussi ceux qui tuent le plus, avec près de 1.150 personnes abattues lors d'incursions des forces de l'ordre, l'année dernière.
"Plaie ouverte"
Dans ce contexte des plus tendus, le film risque fort de ne pas faire l'unanimité, même si l'équipe assure qu'il sera "équilibré".
"Le film ne prend pas parti. Il expose une plaie ouverte et laisse le spectateur se forger un opinion", déclare Marcos Palmeira, qui incarne le chef de l'UPP.
"Mon désir, c'est que le film suscite une discussion, pas une polarisation, une réflexion, mais pas plus de haine", renchérit l'actrice Bianca Comparato, qui joue l'héroïne.
Sa soeur dans le film est une jeune activiste noire qui dénonce inlassablement la violence policière.
Une référence à peine voilée à Marielle Franco, conseillère municipale criblée de balles il y a quatre mois et dont l'assassinat a causé une vive émotion dans tout le Brésil et au-delà des frontières.
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