Les murs rouges et blancs de la salle située dans le township sud-africain de Soweto sentent la peinture fraîche.
Le Donaldson Orlando Community Centre (DOCC) se refait une beauté pour célébrer, à sa manière, le centième anniversaire, mercredi, de la naissance du premier président noir sud-africain, décédé en 2013.
"Grâce à lui, on est libres de nos mouvements. Plus besoin de se déplacer avec des laissez-passer", explique Andy Zameko, si "fier" de transpirer dans le même gymnase que son héros.
Du lundi au jeudi, le jeune Nelson venait s'y entraîner pour oublier les affres d'une lutte inégale contre le pouvoir blanc.
"Les murs (...) du DOCC sont imprégnés de doux souvenirs qui me réjouiront pour des années", écrivit-il à sa fille Zindzi depuis son bagne de Robben Island, où il a passé dix-huit ans.
Une copie de la lettre datée du 9 décembre 1979 est accrochée à l'entrée de la salle au toit de tôle.
De l'autre côté de la voie rapide à Soweto, devant la maison de Nelson Mandela aujourd'hui transformée en musée, de jeunes musiciens tentent de capter l'attention des touristes.
"Mon inspiration"
"Madiba (nom de clan de Mandela) a fait de nous une nation unie, la nation arc-en-ciel. Maintenant, les artistes noirs peuvent jouer dans les plus grands théâtres", se réjouit Vincent Ncabashe, un guitariste de 49 ans.
"Madiba, c'est mon inspiration", enchaîne Thobane Mkhize, chanteur de hip hop à la coupe de cheveux sophistiquée. "Mais on n'est pas à la hauteur de ses espérances", ajoute immédiatement le jeune homme de 24 ans .
"Regardez le Parlement aujourd'hui, c'est un cirque, les hommes politiques sont gangrénés par la corruption. Et on se préoccupe trop de la couleur de peau", regrette-t-il, alors que les tensions entre la majorité noire et la communauté blanche continuent d'empoisonner l'Afrique du Sud.
"Mais sans Madiba, on en serait toujours au même point", encore en plein apartheid, avance un policier, Mpho Ngobeni. "Il a eu l'intelligence de négocier la transition" avec le président blanc de l'époque Frederik de Klerk.
"Son rôle fut celui de l'apaisement", poursuit Geneviève Assamoi, une Ivoirienne de 45 ans, de passage à Soweto.
"Il fallait une figure qui puisse rassembler Noirs et Blancs. Son rôle a été déterminant pour permettre aux Noirs de ne pas prendre de revanche et aux Blancs de se sentir en sécurité."
'Vendu aux Blancs'
A une station essence de Soweto, deux Blancs en tenue kaki et de camouflage finalisent l'achat d'une voiture de collection avec de jeunes Noirs, une scène improbable dans le tentaculaire township à l'écrasante majorité noire.
"Mandela a permis aux Blancs de pouvoir rester dans le pays", salue Kaelen Viljoen, dont l'embonpoint peine à cacher le revolver accroché à sa ceinture.
Sur le siège avant de son 4x4, à portée de main, le jeune Blanc de 22 ans s'est aussi armé d'une batte de base-ball.
C'est sa première fois à Soweto. "Je ne serais jamais venu sans mon pistolet", prévient-il. "Avant de venir ici, on a appelé pas mal de gens. On m'a dit: +Ca va être un problème, il y a beaucoup de Noirs ici.+ Mais en fait, c'est hyper sympa."
Maxwell Huis, lui, se sent trahi par Mandela. "Il s'est révélé différent de celui qu'on imaginait. Il a vendu les Noirs aux Blancs", lâche ce père de famille sans abri, à la recherche de bois pour se tenir au chaud sous un pont de Soweto.
"Les gens ne sont pas libres parce qu'ils sont pauvres. Il aurait dû y avoir une guerre civile. Sans guerre civile, pas de liberté", assène-t-il.
C'est précisément la raison pour laquelle Mtate Phakela, 19 ans, remercie "Madiba". "Il a fait la révolution sans la guerre", se félicite le photographe. "Grâce à lui, on est libres politiquement. Mais économiquement toujours pas."
Les inégalités économiques restent criantes dans le pays: le salaire mensuel médian est de 10.000 rands (638 euros) dans la minorité blanche et de 2.800 rands (177 euros) chez les Noirs.
Nelson Mandela "a fait de son mieux, mais ces successeurs n'ont pas été à la hauteur", résume Mtate, reprenant un avis largement partagé.
bed/pa/jlb
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