Après le début de l'attaque menée par des paramilitaires vendredi vers midi, les étudiants, d'abord retranchés au sein de l'Université nationale autonome du Nicaragua (UNAN), la principale du pays, ont vécu près de 20 heures de terreur dans l'église de la Divine Miséricorde, où ils avaient trouvé refuge, à l'est de la capitale.
Les paramilitaires, visages masqués, "nous ont attaqués sans pitié, et ont essayé par deux fois de brûler l'église alors que nous étions à l'intérieur", détaille à l'AFP le jeune homme, qui par précaution préfère être appelé "el Negro" ("le Noir").
L'opération, menée avec des armes de guerre, a fait deux morts et 14 blessés, selon le cardinal de Managua, Mgr Leopoldo Brenes, qui a mené la mission d'évacuation des étudiants assiégés.
"Ils n'ont pas respecté l'église, ni l'image de la Vierge ni celle du Christ, ils ont tout détruit, les murs sont criblés" de balles, a ajouté l'étudiant.
Les étudiants ont finalement bravé les tirs à l'aube, samedi: "Nous sommes sortis pour éteindre le feu qui embrasait l'église, avec tout le monde à l'intérieur", a déclaré le jeune homme, attendant avec impatience de retrouver sa mère, qu'il n'a plus vue depuis deux mois.
"Beaucoup d'impuissance"
Auparavant, à l'université, il a ressenti avec ses camarades le souffle de l'explosion d'une grenade qui a démoli la porte d'entrée, ouvrant le passage aux paramilitaires qui les ont délogés.
Malgré les moments d'extrême tension, "je n'ai pas eu peur, mais j'ai ressenti beaucoup d'impuissance parce qu'ils nous attaquaient avec des fusils d'assaut AK47, des (fusils de sniper) Dragunov et des grenades; nous n'avions que des mortiers artisanaux et des barricades", raconte un autre étudiant.
"Ils ont tué Gerald Velázquez d'un tir à la tête, nous ne pouvions rien faire et nous l'avons perdu", a déclaré, atterré, ce jeune homme de 22 ans, préférant rester anonyme, et déterminé à continuer la lutte pour que le président Daniel Ortega quitte le pouvoir.
Les étudiants sont le fer de lance d'un mouvement massif de protestation déclenché le 18 avril contre le président Ortega, 72 ans, arrivé à la tête du Nicaragua en 2007, après l'avoir déjà dirigé de 1979 à 1990.
Il est accusé d'avoir mis en place avec son épouse Rosario Murillo, vice-présidente, une "dictature" marquée par la corruption et le népotisme, et d'avoir violemment réprimé les manifestations des opposants réclamant son départ, ou des élections anticipées.
"Ils nous ont coupé l'électricité, et ils ont commencé à nous tirer dans la tête (...) J'ai vu tomber un de mes camarades de classe (Velázquez). Comme il faisait nuit, nous avons appris seulement au matin qu'un autre camarade avait trouvé la mort", raconte un autre étudiant, titubant, jambe bandée.
Avant le siège mené par la police et les groupes pro-gouvernementaux, l'UNAN constituait le dernier bastion de la révolte estudiantine, les jeunes manifestants ayant décidé de quitter les locaux de l'Université Polytechnique (UPOLI).
"J'étais à l'UPOLI, mais après avoir quitté les lieux, je ne savais pas où aller. J'ai vu mourir de nombreux camarades à mes côtés, je ne peux pas rester les bras croisés", déclare un étudiant ingénieur, disant s'appeler Geyko et être âgé de 24 ans.
Applaudis à la sortie
Grâce à l'intervention du clergé, les étudiants ont finalement réussi à sortir de l'église assiégée samedi matin. Devant l'édifice, se trouvaient le cardinal Brenes et des membres de la Commission interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH) et du Haut Commissariat de l'ONU aux Droits de l'Homme.
Deux bus plein d'étudiants, accompagnés d'ambulances de la Croix-Rouge transportant les blessés, ont fait leur entrée dans les jardins de la cathédrale de Managua, accueillis par la clameur de centaines de familles et amis, applaudissant en larmes.
Au milieu des cris de soutien de la foule, le père de Gerald Velázquez, l'un des étudiants abattus, est arrivé à la cathédrale pour récupérer le cadavre de son fils.
Au total, plus de 270 personnes ont trouvé la mort et quelque 2.000 ont été blessées dans les violences qui secouent le Nicaragua depuis trois mois, selon la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH).
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