Les 119 députés présents ont également, dans le même vote, assuré l'égalité devant la loi "sans distinction de sexe".
Dans l'article 1 réécrit, qui définit les valeurs fondamentales de la République, la France "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe, d'origine ou de religion", au lieu de "sans distinction d'origine, de race ou de religion". Une formulation qui deviendra définitive si la révision constitutionnelle aboutit.
L'amendement adopté, au terme de nombreuses prises de parole sur tous les bancs pour s'en réjouir, a été celui du président du groupe UDI-Agir Jean-Christophe Lagarde, mais presque tous les groupes politiques avaient présenté des amendements en ce sens. M. Lagarde a cependant noté "qu'aucun représentant de l'extrême droite n'était présent pour ce vote qui honore notre Nation". Les députés FN, qui siègent parmi les non-inscris "étaient absents par volonté", a-t-il affirmé.
Lorsque le mot race a été introduit dans le préambule de la Constitution de 1946 puis repris en 1958, les constituants voulaient, après le nazisme, affirmer leur rejet des thèses racistes, héritage de l'histoire coloniale et des théories du XIXe siècle.
Mais, paradoxalement, en interdisant la "distinction selon la race", la Constitution pouvait en creux légitimer l'opinion selon laquelle il existe des races alors que la science ne reconnaît qu'une seule espèce humaine.
Les députés ultramarins se sont montrés particulièrement émus de ce vote au regard du passé colonial français.
"Merci à vous tous", a lancé la Réunionnaise communiste Huguette Bello. "C'est un grand moment d'élévation de la conscience collective", a renchéri le Martiniquais Serge Letchimy, Nouvelle gauche. Le député UAI-Agir de Nouvelle-Calédonie Philippe Gomès a rappelé que "111 Canaques avaient été exposés à côté des crocodiles" à l'exposition coloniale de 1931 à Paris, où la brochure invitait à venir voir "la race canaque avant qu'elle ne disparaisse".
Quelques bémols
Cette suppression du mot "race" est un "combat ancien", notamment des communistes qui avaient déposé des amendements dans ce sens dès 2002, a reconnu le rapporteur général (LREM) Richard Ferrand.
Les communistes ont rappelé qu'ils avaient porté une proposition de loi en 2013 pour supprimer le mot "race" non seulement de la Constitution mais de toute la législation. Ce texte avait été adopté en première lecture, dans l'attente d'une révision constitutionnelle qui n'a jamais eu lieu dans le quinquennat faute de majorité.
François Hollande s'était en effet engagé, lors de la campagne présidentielle en 2012, à une telle suppression, plaidant "il n'y a pas de place dans la République pour la race".
A l'époque, la droite avait critiqué cette idée, estimant comme Alain Juppé, que "faute d'agir" contre le racisme, "on change les mots".
Si la droite a voté jeudi cet article, Philippe Gosselin a repris cette interrogation, soulignant que ce changement sémantique ne devait pas "conduire à baisser la garde pour lutter contre la racisme". Même bémol des députés LFI Eric Coquerel et Danièle Obono, qui auraient préféré maintenir une expression comme "prétendue race".
La garde des Sceaux Nicole Belloubet a répondu que "cela ne fragiliserait pas juridiquement la lutte contre le racisme" car "il y a des nombreux filets de sécurité qui demeurent".
"Le mot race subsistera dans le préambule de 1946, qui figure dans notre bloc de constitutionnalité", a-t-elle rappelé ainsi que dans plusieurs normes internationales qui interdisent les distinctions fondées sur l'existence de prétendues races.
Dans une intervention un peu décalée, le mathématicien LREM Cédric Villani a cependant prévenu que cette suppression du mot race ne devait pas être décidée au nom de la science, "qui peut toujours évoluer", mais au nom de "l'empathie et du sens du destin commun par lesquels nous reconnaissons toute l'humanité comme nos frères et sœurs".
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