L'avion à bord duquel se trouvait Liu Xia, qui n'a jamais été condamnée pour aucun motif, a atterri peu avant 15H00 GMT à l'aéroport berlinois de Tegel, presque un an jour pour jour après la mort en détention de Liu Xiaobo, le 13 juillet 2017.
Cette femme de 57 ans s'est ensuite engouffrée dans une fourgonnette noire qui l'attendait sur le tarmac, sans faire de déclarations, selon des journalistes de l'AFP présents sur place.
Parmi les personnes qui sont allées lui souhaiter la bienvenue à l'aéroport, où s'étaient massés une trentaine de journalistes, figuraient l'écrivain chinois en exil Liao Yiwu et la lauréate du prix Nobel de littérature 2009, l'Allemande Herta Müller, selon la même source.
La poétesse aux cheveux ras, qui avait auparavant fait brièvement escale à Helsinki, souhaitait se rendre depuis plusieurs années dans la capitale allemande afin d'y retrouver des proches.
Pékin avait confirmé son départ de Chine, précisant que Mme Liu allait en Allemagne pour y suivre "un traitement médical". Selon des proches, elle souffre d'une grave dépression.
Son mari Liu Xiaobo, une figure des manifestations de Tiananmen pour la démocratie, avait été condamné en 2009 à 11 ans de prison pour "subversion" pour avoir cosigné un appel en faveur d'élections libres en Chine.
Le régime communiste avait très mal pris l'octroi du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo l'année suivante et rejeté les appels des pays occidentaux à sa libération, y compris lorsque le dissident s'était vu diagnostiquer un cancer du foie en 2017.
Hospitalisé mais empêché de quitter la Chine pour être soigné à l'étranger, Liu Xiaobo était devenu le premier lauréat du Nobel de la paix à mourir en détention depuis un opposant allemand enfermé par les nazis dans les années 1930. Il avait 61 ans.
Faux espoirs
Mme Liu restait depuis lors sous très étroite surveillance. Les autorités chinoises assuraient qu'elle était libre de ses mouvements, mais journalistes et diplomates étrangers étaient refoulés quand ils tentaient de s'approcher de son domicile pékinois.
La poétesse avait confié au téléphone à Liao Yiwu qu'elle était prête à "se laisser mourir", les autorités lui interdisant alors de quitter la Chine.
Après un an de faux espoirs d'une libération prochaine, Liu Xia a finalement obtenu un passeport la semaine dernière, a déclaré à l'AFP un de ses proches qui a requis l'anonymat.
Son arrivée en Allemagne intervient au lendemain d'une rencontre entre le Premier ministre chinois Li Keqiang et la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin.
Mme Merkel, qui a plusieurs fois évoqué publiquement la question des droits de l'homme en Chine, a semble-t-il soulevé le cas de Liu Xia à l'occasion d'un déplacement à Pékin en mai dernier, pendant lequel elle a rencontré des épouses d'avocats emprisonnés.
La visite de Mme Merkel à Pékin a été "manifestement décisive", a dit ce proche, qui a été régulièrement en contact avec elle au cours des dernières années.
L'approche du premier anniversaire de la mort de Liu Xiaobo semble aussi directement liée à la libération de sa veuve.
Question d'image
"Le gouvernement chinois a peut-être compris que la maintenir en résidence surveillée donnait des Chinois une image mesquine, cruelle et vindicative", observe Elaine Pearson, de l'association de défense des droits de l'homme Human Rights Watch.
Pékin peut aussi chercher à amadouer les Européens, avant un sommet Chine-UE la semaine prochaine à Pékin.
"C'est une question d'image pour la Chine au moment où elle est engagée dans une guerre commerciale avec les Etats-Unis", note un diplomate occidental.
Mais il ne faudrait pas en conclure que la situation des droits de l'homme en Chine s'améliore. "Nous constatons que ça se dégrade", ajoute-t-il.
Rien ne laissait présager un départ soudain de la veuve du dissident. Lundi, l'immeuble où elle habitait était toujours sous la surveillance de plusieurs gardiens.
Malgré la sécurité renforcée, l'AFP avait pu la rencontrer dans son appartement, mais elle s'était refusée à toute interview, disant craindre des mesures de rétorsion contre son frère, qui n'est pas autorisé à quitter la Chine.
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