"Sanofi Chimie décide d'engager dès aujourd'hui l'arrêt de la production de son site de Mourenx, et d'opérer les améliorations techniques annoncées et indispensables à un retour à la normale", a déclaré le groupe dans un bref communiqué, précisant avoir diligenté une enquête interne "pour mieux comprendre les causes et l'historique de la situation".
Cette usine d'une cinquantaine de salariés, installée dans le bassin industriel de Lacq, est au coeur d'une grosse polémique environnementale depuis dimanche.
Selon l'association France Nature Environnement (FNE), qui compte prochainement déposer plainte, le site rejette des "matières dangereuses à des taux astronomiques".
L'usine a l'autorisation d'émettre "cinq composés organiques volatils (bromopropane, toluène, isopropanol, valéonitrile et propène) dans l'air dans la limite globale de 110 mg/m3", a indiqué FNE dans un communiqué.
Cependant "il en émet en réalité 770.000 mg/m3, soit 7.000 fois plus que la norme autorisée", a encore affirmé FNE, qui fédère 3.500 associations de protection de l'environnement.
Risques pour la fertilité et le foetus
La situation est encore plus grave dans le cas du bromopropane, qui entre dans la composition du valproate de sodium (Dépakine), avec des contrôles ponctuels ayant révélé des dépassements "de 90.000 fois et 190.000 fois la norme", selon FNE.
"Sanofi n'a communiqué cette information à la préfecture qu'en mars dernier, lors d'une inspection", affirme l'association. "Si ces dépassements ont été possibles c'est parce que Sanofi ne contrôlait pas ses trois colonnes (de l'usine), mais une seule. Jamais contrôlées, les deux autres ont envoyé ces quantités astronomiques de polluants dans l'air", ajoute-t-elle.
FNE et l'association locale Sepanso 64 réclamaient précisément l'arrêt immédiat de cette usine, rappelant que le bromopropane peut nuire à la fertilité, au foetus, mais aussi irriter les voies respiratoires et la peau.
Sanofi avait d'abord réagi lundi en reconnaissant "un problème de dépassement localisé des seuils de rejet de vapeur de solvants", mais avait assuré que les populations n'étaient "pas exposées à des niveaux supérieurs aux seuils fixés par la réglementation".
Ce constat a été établi "par une étude d'impact sanitaire auprès d'un organisme indépendant" diligentée par le groupe, avait souligné Sanofi.
Le groupe avait aussi souligné avoir déjà engagé un plan d'actions, avec la mise en place d'une unité de collecte et de traitement des rejets afin de les réduire significativement, et avait prévu d'anticiper de 10 jours le démarrage de la maintenance estivale du site.
Double scandale avec la Dépakine
Ce scandale environnemental s'ajoute à un autre, d'ordre sanitaire: car le site de Mourenx produit la Dépakine, un médicament anti-épileptique à base de valproate et aux effets secondaires potentiellement très graves.
Selon des estimations officielles, le valproate est accusé d'avoir entraîné des malformations chez 2.150 à 4.100 enfants et des troubles mentaux et du comportement chez 16.600 à 30.400 enfants qui y ont été exposés dans le ventre de leur mère ces cinquante dernières années en France.
Comme tous les autres médicaments à base de valproate, la Dépakine a été interdite aux femmes enceintes et en âge de procréer, sauf exceptions dans des cas particuliers.
Sanofi décline pour l'heure toute responsabilité dans cette affaire, affirmant avoir toujours respecté ses obligations d'informations en matière de pharmacovigilance, au fur et à mesure de l'avancée des connaissances scientifiques sur les effets secondaires du valproate.
Fin juin, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait annoncé que l'Etat allait discuter avec Sanofi pour impliquer le groupe dans l'indemnisation des victimes du valproate.
Le groupe a déjà été condamné par la justice dans ce dossier: fin 2017, il avait été notamment condamné par la cour d'appel d'Orléans à indemniser à hauteur de 3 millions d'euros au total la famille d'un enfant malformé dont la mère avait pris de la Dépakine lorsqu'elle était enceinte, ainsi que la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) au titre des dépenses de santé engagées pour la victime.
Sanofi s'est pourvu en cassation.
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