Le juge Rogerio Favreto, qui était ce week-end le juge de permanence du TRF4, la cour d'appel de Porto Alegre, dans le sud du Brésil, avait fait sensation en ordonnant dimanche la mise en liberté de Lula.
Le TRF4 de Porto Alegre est le tribunal qui avait ratifié en janvier dernier la condamnation de première instance de Luiz Inacio Lula da Silva.
Le juge Favreto avait décidé dimanche à la surprise générale d'accepter une demande d'habeas corpus présentée vendredi par plusieurs députés du Parti des Travailleurs (PT), fondé par Lula en 1980. Il avait même demandé que cette libération ait lieu dès dimanche, "selon le régime d'urgence".
Les partisans de Lula ont aussitôt commencé à fêter sa libération imminente trois mois après son incarcération. Plus de mille personnes se sont rassemblées devant le bâtiment de la police fédérale à Curitiba, dans le sud du Brésil, où Lula est détenu, en réclamant sa libération.
Mais peu après, un autre juge du TRF4, Joao Pedro Gebran Neto, a décidé, lui, le maintien en prison de l'ancien président et a annulé la décision de son collègue.
Dans un nouveau rebondissement, le juge Favreto a déclaré qu'il maintenait sa décision. "Je réaffirme la teneur des décisions prises antérieurement, en décrétant la mise en oeuvre immédiate de la mesure de libération dans un délai maximum d'une heure", a-t-il écrit.
Quelques heures plus tard, le président du TRF4, Carlos Eduardo Thomson Flores, a tranché. Dans un communiqué, il a déclaré qu'il confirmait la décision du juge Gebran Neto selon laquelle l'ancien président devait rester en prison, où il purge une peine de 12 ans et un mois de détention pour corruption.
Le président du TRF4 déclare dans ce communiqué qu'il ordonne "l'exécution de la décision prononcée par (le juge Gebran Neto)" sur le maintien de Lula en détention.
En quelques heures, cet imbroglio judiciaire a créé la confusion au Brésil, à trois mois d'une élection présidentielle parmi les plus incertaines de l'histoire du pays et à laquelle Lula veut se présenter.
Même s'il avait été remis en liberté, l'ancien président (2003-2010), en tête des intentions de vote pour le scrutin d'octobre, aurait probablement vu sa candidature invalidée par le tribunal électoral, en vertu d'une loi qui interdit à tout candidat déjà condamné en appel de se présenter.
Bras de fer
L'ordre de libération de dimanche avait fait l'effet d'une bombe au Brésil. Le juge anticorruption Sergio Moro, qui a condamné Lula en première instance en juillet 2017, avait affirmé dans un document officiel dans la foulée que le juge Favreto n'avait pas la compétence pour prendre cette décision.
Le bras de fer judiciaire s'est poursuivi avec une demande officielle du Parquet fédéral de faire machine arrière, reprenant l'argument de Sergio Moro en affirmant que le juge de permanence n'a pas la compétence d'examiner une demande d'habeas corpus.
Les médias brésiliens ont rappelé dimanche que le juge Favreto, ancien avocat, avait été membre du PT de 1991 à 2010, date à laquelle il avait accédé à la magistrature.
Le PT a lancé un appel à la mobilisation, dans un communiqué ayant pour titre "La liberté de Lula est la liberté du Brésil".
Le PT s'est insurgé contre l'annulation de l'ordre de libération dans ce communiqué, estimant qu'il est "inconvevable" que la décision d'un juge du TRF4 ne soit pas respectée.
"Les garanties constitutionnelles et de l'Etat de droit ont été rompues! Tous à Curitiba, tous dans la rue", a déclaré sur Twitter Gleisi Hoffmann, présidente du PT.
Recours en série
Accusé d'avoir reçu un appartement en bord de mer pour favoriser une entreprise de bâtiment pour l'obtention de marchés publics, Lula nie farouchement et se dit victime d'un complot pour l'empêcher de briguer un troisième mandat.
Figure de proue de la lutte anticorruption au Brésil, Sergio Moro a connu plusieurs revers ces dernières semaines, avec la libération le 26 juin de José Dirceu, ex-homme fort du gouvernement Lula, et l'acquittement récent de Gleisi Hoffmann, également accusée de corruption.
La défense de Lula avait multiplié les recours auprès de la Cour suprême pour réclamer sa libération, sans succès.
Ses avocats considèrent que l'icône de la gauche doit demeurer en liberté le temps que tous les recours soient épuisés, mais la Cour suprême avait décidé en avril d'appliquer une jurisprudence selon laquelle toute personne condamnée en deuxième instance devait être incarcérée.
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