Chaque jour, il erre pendant des heures dans les ruelles de la deuxième ville du pays pour demander l'aide des gens, proposant en même temps aux passants des mouchoirs en papier en échange de quelques pièces.
Comme Mohammed Salem, les enfants de cette cité sont les premières victimes de la guerre contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) qui avait fait de Mossoul sa "capitale" en Irak en 2014 avant d'en être délogé en juillet 2017 après neuf mois de combats destructeurs.
Ayant perdu leurs parents dans la bataille ou durant les trois ans d'occupation par l'EI, un grand nombre d'enfants se sont retrouvés dans la rue, à mendier ou vendre des objets futiles pour survivre.
Un phénomène nouveau dans ce chef-lieu de la province pétrolière de Ninive et ancien carrefour commercial entre la Turquie, la Syrie et le reste de l'Irak.
Par dizaines, filles et garçons déambulent dans les rues, se faufilant entre les véhicules, proposant entre autres de nettoyer rapidement les pare-brises en échange d'argent.
Sous une chaleur accablante, Mohammed Salem essuie la sueur sur son front. "Je sors le matin à 07H00 et je rentre à 22H00, je vends des mouchoirs en papier pour aider ma mère", dit-il à l'AFP au rond-point de Nabi Younès. Il est enfant unique.
"Plus de 3.000 orphelins"
En l'absence de statistiques officielles, des ONG qui s'alarment des problèmes de mendicité des enfants évaluent le nombre des orphelins à plus de 3.000 à Mossoul.
"Selon nos chiffres, il y a 6.200 enfants orphelins dans la province de Ninive, dont 3.283 ont perdu leurs parents durant les derniers combats dans la ville", indique à l'AFP Qidar Mohammed, un responsable de l'ONG "La joie d'un orphelin".
Dans Mossoul, il n'y a pour le moment que deux orphelinats, un pour filles et un autre pour garçons, âgés de six à 18 ans, selon des ONG.
Dans les rues, on voit filles et garçons aux habits déchirés et chaussures usées courant derrière des piétons pour quémander, vendre de l'eau ou des mouchoirs en papiers.
Ali Bonian, 10 ans, est l'un d'entre eux. Avec ses habits élimés et son visage émacié et fatigué, il paraît bien plus âgé. "Toute ma famille a été tuée et notre maison a été détruite lors des bombardements sur la vieille ville", dernier repaire de l'EI et largement détruite, raconte-t-il en essuyant ses larmes.
"Je n'ai pas de proches et comme c'est difficile à mon âge de trouver du travail, j'ai dû mendier pour survivre", ajoute Ali qui refuse de révéler où il dort.
Comme de nombreux autres mendiants, il rêve de trouver une famille d'accueil et de rejoindre les bancs de l'école.
"Exploités"
Le phénomène de mendicité, de déscolarisation et d'autres maux touchant les enfants préoccupent les responsables de la région.
"Pour le moment, il n'y a pas de projets ni d'études de la part du gouvernement fédéral ou local pour régler ce phénomène des enfants des rue", note Khalaf al-Hadidi, membre du Conseil provincial de Ninive.
Ce qui l'inquiète le plus, dit-il à l'AFP, est que ces enfants mendiants "sont exploités par des bandes".
Ils deviennent l'instrument d'un système qui les fait travailler pour le compte de gangs.
Pour la sociologue Fatima Khalaf, ces enfants des rues "ne sont pas à l'abri de toute forme d'exploitation" et "si on les abandonne, certains pourraient devenir des criminels".
Les autorités doivent impérativement endiguer ce phénomène en commençant par imposer la scolarisation obligatoire, selon elle.
Mais Ghaleb Ahmad, fonctionnaire à Mossoul, estime qu'il faut avant tout combattre "les gangs et les groupes qui gèrent ces opérations de mendicité et exploitent les enfants".
"Ce phénomène peut engendrer une génération corrompue et psychologiquement troublée", dit-il.
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