La semaine qui s'ouvre donnera l'occasion au président américain de décliner cette surprenante doctrine diplomatique, au risque d'accroître encore les tensions avec des alliés déboussolés.
Bruxelles, Londres, Helsinki: sommet de l'Otan, escale au Royaume-Uni qui s'annonce houleuse, puis tête-à-tête avec Vladimir Poutine. L'enchaînement est spectaculaire, et à haut risque.
La séquence G7/Singapour est dans tous les esprits, lorsque, en l'espace de quelques jours, il avait traité le Premier ministre canadien Justin Trudeau de "malhonnête" et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un de "très doué".
Nombre d'observateurs redoutent un bis repetita estival: "Il engueule les alliés puis il embrasse l'adversaire", résume laconiquement un diplomate européen.
Jusqu'où ira le tempétueux locataire de la Maison Blanche? Des deux côtés de l'Atlantique, tout le monde s'interroge.
Les "couillons qui payent tout"
Ce président qui aime choquer pour mieux galvaniser sa base, et qui semble désormais déterminé à pousser très loin la déclinaison de "L'Amérique d'abord", transformera-t-il en profondeur l'alliance transatlantique, pierre angulaire des relations internationales depuis plus d'un demi-siècle?
A écouter les membres de son administration, le sommet de Bruxelles devrait être classique, harmonieux et sans accrocs.
"Le thème central de ce sommet sera l'unité et la force de l'Otan", affirme Kay Hutchison, ambassadrice des Etats-Unis à l'Otan, évoquant la solidarité entre ses 29 membres et dénonçant les "actes néfastes" de la Russie et ses tentatives visant à "semer la division".
Depuis plusieurs mois, pourtant, le magnat de l'immobilier, qui veut se démarquer à tout prix de tous ses prédécesseurs, démocrates comme républicains, s'emploie à distiller un tout autre message.
Cette semaine, devant une foule électrisée dans le Montana, il a réservé ses tirades les plus agressives aux alliés de l'Otan "qui doivent commencer à régler leurs factures", soulignant que les Etats-Unis en avaient assez d'être "les couillons qui payent tout".
Et n'a pas manqué d'égratigner "Angela" (Merkel).
Lorsqu'il est passé à Vladimir Poutine, pas un début de réserve ou critique, de l'Ukraine à la Syrie, mais l'espoir mille fois répété d'aboutir à "une bonne relation".
Régulièrement, il oblige ses équipes à de difficiles contorsions, comme lorsqu'il met en avant les dénégations de Poutine sur l'interférence russe dans l'élection présidentielle de 2016, semblant donner raison à l'homme fort du Kremlin contre les agences de renseignement américaines.
Sur les dossiers les plus sensibles, il se délecte dans l'ambiguïté. Interrogé il y a quelques jours sur une éventuelle reconnaissance américaine de l'annexion de la Crimée par Moscou, il s'est contenté d'un laconique "Nous verrons", obligeant la Maison Blanche à rectifier le tir tant le sujet est explosif.
Hostilité envers l'UE
Son hostilité à l'UE, longtemps palpable mais diffuse, est désormais ouverte, sans complexes. Dans le Dakota du Nord, il affirme, contre toute évidence historique, que l'UE a "bien sûr été créée pour profiter des Etats-Unis".
Il multiplie désormais les coups de griffe envers ses alliés, Allemagne en tête, sur fond de guerre commerciale à l'issue incertaine.
"Les Européens ont de bonnes raisons d'être inquiets" de la rencontre Trump-Poutine, explique à l'AFP William Galston, de la Brookings Institution.
"Peut-on imaginer une déclaration à Helsinki avec des annonces qui n'ont pas été débattues avec les alliés européens lors du sommet de l'Otan? Absolument", poursuit-il.
"De manière générale, le président est plus à l'aise dans les relations avec les autocrates qu'avec les démocrates", dit-il encore, rappelant à quel point il a "peu d'estime" pour les organisations multilatérales.
Il y a un an, lors de son premier sommet de l'Otan, Donald Trump s'était posé en défenseur intraitable du contribuable américain, faisant la leçon à des Alliés accusés de devoir "d'énormes sommes d'argent".
Mais il s'était tenu à l'écart de ses interrogations les plus provocatrices sur l'utilité de l'Otan ou le devenir de l'UE.
Aujourd'hui, la situation a changé.
Porté par de bons indicateurs économiques, la conviction qu'il doit rester fidèle à son discours de rupture, et après avoir écarté au sein de son équipe tous ceux qui semblaient en position de lui tenir tête, il s'est enhardi.
Entre son arrivée à Bruxelles mardi soir et son départ d'Helsinki six jours plus tard, il pourrait refaçonner une partie des relations des Etats-Unis avec le reste du monde.
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