Droits dans le box, Abdou Salam Koita, 26 ans, et Ladje Haidara, 23 ans et reconnu coupable du viol, écoutent le verdict sans ciller. Le troisième agresseur, Houssame Hatri, 22 ans, auteur selon les victimes des propos haineux tenus pendant le cambriolage, est en fuite.
Tous trois ont été condamnés à respectivement 8, 13 et 16 ans de réclusion criminelle, des peines moins sévères que celles demandées par l'avocate générale (10, pas inférieure à 15, et 20 ans). Deux complices, jugés en même temps devant les assises du Val-de-Marne, écopent de cinq et six ans de prison.
Le 1er décembre 2014, Laurine et son désormais ex-compagnon Jonathan, jeune gendarme en reconversion, logent depuis deux mois chez les parents de ce dernier. Quand on sonne vers 09H00, elle ouvre, croyant reconnaître un cousin. Les trois agresseurs entrent, encagoulés et armés, les ligotent, les bâillonnent, et fouillent l'appartement à la recherche d'argent liquide. "Les juifs, ça met pas l'argent à la banque", leur dit-on, menaçant de les "buter".
Pendant les dix jours de procès d'une affaire qui avait poussé le gouvernement à déclarer la lutte contre l'antisémitisme "cause nationale", les débats ont largement tourné autour du préjugé "juif = argent", bien ancré selon un enquêteur "dans la croyance des cités". Les accusés l'ont toujours contesté.
Le "caractère foncièrement antisémite" de la "sélection des victimes" ne fait aucun doute, avait asséné l'avocate générale dans ses réquisitions: "ils ont vu le rond" (la kippa) sur la tête du père de la victime, "vu la Mercedes noire" qu'il conduisait, et en ont conclu qu'ils étaient juifs et avaient de l'argent.
"Ignorants"
Avocat des victimes, David-Olivier Kaminski y a vu "un point de plus dans les statistiques de l'antisémitisme", évoquant dans sa plaidoirie les récents meurtres - pas encore jugés - de deux femmes juives, Sarah Halimi et Mireille Knoll, et l'assassinat d'Ilan Halimi, jeune juif enlevé et tué en 2006 après trois semaines de tortures.
"Ils ne sont pas antisémites, ils sont ignorants", s'est emportée l'avocate d'un des agresseurs, Marie Dosé, qui a longuement dénoncé "une qualification antisémite décidée au niveau ministériel" moins de 48 heures après les faits.
Aux enquêteurs, l'ex-petite amie, juive, de Ladje Haidara était venue soutenir qu'il l'avait "assez fréquentée" pour savoir que les juifs n'ont pas tous "de l'argent".
Le jour des faits, Houssame Hatri s'était amusé à lâcher des couteaux sur le dos de Jonathan: "pour mes frères en Palestine", avait-il dit avant de jeter au sol les symboles juifs et d'émettre l'idée de les "gazer" à la lacrymogène avant de partir.
"Une peur" et "une humiliation supplémentaire", dira l'avocate générale, notant la menace omniprésente d'armes, dont Jonathan sentira "le métal dans sa bouche".
"Humiliation" également selon les parties civiles: le viol de la jeune femme, 19 ans à l'époque. A elle aussi, Houssame Hatri a demandé si elle était juive. "Je suis rien" a-t-elle répondu. "Tu as déjà trompé ton copain?" lui demandera-t-il plus tard. Isolée dans la chambre, pieds et poings liés, elle l'entendra ensuite dire à un autre agresseur : "Tu veux la baiser sa copine?". Un homme entrera dans la chambre et lui infligera des caresses sur les seins et deux pénétrations digitales.
"On viole parce qu'on punit, parce qu'on n'a pas trouvé assez de fric, parce que les juifs finalement, ça n'en a pas tant que ça", avait affirmé l'avocate générale. Pendant une heure dans sa plaidoirie, la défense a détricoté les arguments avancés sur la culpabilité de Ladje Haidara, qui a toujours nié les faits. Sans convaincre ni l'avocate générale, ni la cour.
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